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Le parti que nous voulons – TAG 136

Mon éditorial pour le n°136 de la Tête A Gauche, lettre d’information de la Gauche Socialiste.

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Le premier objectif d’un congrès du parti socialiste devrait être de parler du parti socialiste. Lapalissade peut-être, mais qu’il convient de rappeler, à quelques heures du vote sur les motions : c’est le moment de notre vie politique où nous pouvons et devons nous interroger collectivement sur le type de militantisme que nous souhaitons, sur le périmètre que nous voulons lui donner, sur la façon d’être ensemble que nous privilégions. On pourrait penser, intuitivement, que ces questions ne sont pas les plus clivantes, que les différences idéologiques constituent des lignes de fracture – et donc de choix – plus saillantes. Mais l’histoire récente du PS nous invite à repenser cela. Nos débats les plus vifs ne sont pas ceux qui ont porté sur le libéralisme ou sur la refonte de notre système de production. L’adoption à une large majorité de notre déclaration de principes a même montré qu’il existait actuellement un assez large consensus sur le positionnement politique des socialistes français. Mais qui ne se souvient, a contrario, des violents débats occasionnés par l’arrivée massive des « adhérents à 20 euros », ou encore de la guerre de tranchée autour de l’introduction de la démocratie participative lors de la campagne présidentielle de 2007 ? Là où la controverse autour de la revendication, par un des prétendants à la tête du parti, du concept de libéralisme, n’a suscité que quelques passes d’armes tactiques – passant assez largement, qui plus est, au-dessus de la tête des militants – combien d’encre a coulé, combien d’imprécations ont été proférées au sujet de l’ouverture massive de notre parti par l’abaissement des cotisations !

Les différentes motions en jeu méritent donc d’être lues également, si ce n’est d’abord, sous l’angle du parti socialiste qu’elles proposent pour demain. Le choix de la motion E est très clair : c’est celui du parti de masse.

Pourquoi ce choix ? Il découle logiquement de la sociale-démocratie moderne et renouvelée qui est plus que jamais pertinente, en ce moment historique d’échec avéré du libéralisme économique dérégulé. La sociale-démocratie repose sur l’instauration d’un rapport de force des salariés et des citoyens avec les pouvoirs économiques et les capitalistes. Rapport de force dont les outils privilégiés sont les partis, associations et syndicats de masse. C’est entre autres parce que nous n’avons jamais, en France, réussi cette part de l’équation que le Parti socialiste a eu le plus grand mal à enchaîner les victoires électorales. C’est sur ce point que nous devons donc changer.

Éclaircissons d’emblée une ambiguïté récurrente au sujet de l’expression « parti de masse ». Ceux qui combattent ce concept ont coutume de le rabattre sur celui de « parti de supporters », comme si le simple fait d’augmenter massivement le nombre de nos adhérents avait pour effet mécanique la dilution de leur qualité, et de leur engagement. Il n’en est rien : quand nous parlons de parti de masse, nous pensons en même temps aux structures qui permettraient d’intégrer les nouveaux militants que nous voulons attirer en nombre. Cela veut dire : des dispositifs d’accueil et de formation (sur l’histoire, les valeurs et le fonctionnement du PS) ; une démocratie interne renforcée, avec une association permanente des militants à l’élaboration de nos programmes, par la démocratie participative, et aux choix politiques du bureau national, via des referendums internes sur les sujets difficiles à trancher ; une multiplication des types de sections, dans les entreprises par exemple, pour que chacun puisse militer comme il l’entend, et là où il veut.

Bien sûr, il faut également se mettre en situation d’attirer ces nouveaux camarades. Sans doute la « qualité de l’offre » proposée par un PS rénové, pour reprendre les mots du premier secrétaire sortant, peut-elle être un puissant produit d’appel. Mais comment ne pas se rendre compte que les sommes trop souvent prohibitives, établies selon des barèmes obscures, qu’il faut débourser pour adhérer au parti socialiste constituent non seulement un répulsif puissant, mais aussi une barrière censitaire ? Abaisser et clarifier le coût de l’adhésion, c’est tout simplement permettre au PS de redevenir un parti populaire.

Que permet un parti réellement de masse – disons, qui atteindrait le seuil symbolique de 300 000 adhérents d’ici le prochain congrès ? Il démultiplie notre surface de contact avec nos concitoyens, améliorant ainsi notre perception de leurs préoccupations et notre capacité à diffuser et tester nos propositions. Il est capable d’amorcer des mobilisations sociales sur ses seules forces – un soutien à une grève ou un appel à manifester du PS, dans une telle configuration, prendraient une tout autre dimension.

Enfin, ou surtout, il donne un tout autre sens aux choix des militants, et règle la question de la « discipline » interne au parti. On a beaucoup glosé sur les problèmes récurrents de discipline de vote ou d’expression au PS, nombre de dirigeants, ces dernières années, ayant cru bon de se soustraire à la décision majoritaire pour faire campagne dans le sens inverse. La solution est-elle, comme le disent notamment nos camarades de la motion A, de durcir l’autorité du premier secrétaire et les sanctions ? Nous ne le pensons pas, n’ayons jamais cru au dogme du parti « qui se renforce en s’épurant ». C’est la massification du PS, et l’intensification de l’implication des militants, qui peut apporter une réponse. Il est facile de passer outre la décision d’un parti de 100 000 adhérents, dont seule la moitié prend part aux (rares) votes internes. Il en irait tout autrement dans une formation de 300 000 militants, actifs et régulièrement consultés : le poids du mandat majoritaire serait incomparable, et il serait beaucoup plus difficile de le fouler aux pieds. A moins de vouloir s’exposer à la colère de plusieurs centaines de milliers de camarades !

Il faut aller plus loin encore. La massification du parti ne peut aller sans une massification parallèle de ses sympathisants. Et là encore, la solution passe par une implication plus poussée de ceux-ci. C’est ainsi que nous concevons l’organisation de primaires ouvertes pour la désignation de notre candidat à la présidentielle – quelle meilleure façon de montrer à nos concitoyens que nous nous soucions d’eux, que de leur permettre de se prononcer sur le nom de celui ou de celle qui les représentera à la première élection nationale ? Un socialiste désigné par ses seuls pairs est le candidat d’un parti. Un socialiste désigné par les socialistes et par la majorité des hommes et des femmes de gauche serait le candidat du pays, fort d’une légitimité et porté par une dynamique de mobilisation incomparables.

Le 6 novembre, votre vote posera le premier pavé sur la route de 2012. Cette route, n’en doutez pas, passe impérativement par la rénovation en profondeur du fonctionnement et du périmètre de notre parti. Faire le choix de la motion E, c’est faire le choix du changement.

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One Trackback/Pingback

  1. [...] slogans de « parti de masse » ou de « parti de militants », rituelle litanie des congrès, n’ont jamais sonné aussi [...]

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