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PS : réflexion sur les cotisations des militants (première partie)

Avec la nouvelle année et les pots de reprise des cartes revient le moment, dans les sections socialistes, de se pencher sur le barème de cotisation des adhérents, sujet a priori purement technique, mais devenu depuis deux ans un enjeu politique et polémique majeur. C’est en une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes que s’est transformée la question des cotisations, opposant grossièrement deux camps, celui des partisans du maintien de la tarification actuelle, et celui des partisans de la baisse des cotisations, avec le fameux seuil des « 20 euros ». Polémique encore complexifiée par les interférences avec un autre débat, celui sur la conception du PS – parti de militants ou parti de supporters ? Si on ajoute à ce paysage déjà compliqué le fait que toutes ces positions sont en général attribuées à tort, et à dessein, par chaque camp au camp adverse, et que la confusion de ce débat n’a d’égale que son instrumentalisation, on conviendra qu’il pourrait être utile de remettre ces questions – légitimes – dans le bon ordre.

L’état de la cotisation (et ses faux-semblants)

Pour mémoire, traçons à grands traits la situation actuelle. Les cotisations sont déterminées selon un barème progressif, fonction des revenus, variant de section à section, et contraint par les parts retenues par les instances fédérales et nationales. Le système des 20 euros, innovation datant de 2006, est toujours d’actualité pour les primo-adhésions par Internet (il n’a apparemment pas été aboli par la nouvelle direction). A contrario, sa généralisation totale et absolue (c’est-à-dire au-delà de la première adhésion) a moins de partisans que par le passé, tant il est clair qu’un tarif unique désavantage relativement les militants les plus modestes. L’opposition entre adversaires et défenseurs de la mesure est donc bien moins claire que l’on pourrait le croire. Il existe parallèlement, pour les camarades les plus modestes, un système de cotisation de solidarité qui permet, à la discrétion des instances ad hoc de chaque section, de procurer des dispenses ou des aménagements de paiement.

Du côté des militants, enfin, la cotisation semble renvoyer à des vécus et compréhensions fort variables, depuis le sympathisant ayant payé 20 euros une fois dans sa vie pour désigner le candidat de 2007, jusqu’à l’adhérent au long cours qui paie sa contribution depuis des années pour « soutenir » la cause (sans beaucoup s’investir dans le parti), en passant bien sûr par la majorité de militants actifs et cotisant régulièrement. Notons au passage que l’application du barème de cotisation se fait sur la seule bonne foi du « déclarant » quant à ses revenus réels, et relève donc d’une certaine manière du volontariat.

De quoi « cotisation » est-il le nom ?

A l’écoute des arguments des uns et des autres, depuis notre ex-premier secrétaire François Hollande qui prenait la défense des cotisations élevées « en échange d’un service de qualité », jusqu’aux ségolistes « durs » défendant la pérennisation de l’adhésion à 20 euros, on voit que le concept de cotisation renvoie à des représentations très différentes d’un socialiste à un autre, ce qui explique peut-être que les débats internes sur la question ressemblent souvent à de – sincères – dialogues de sourds. Il me semble donc utile de revenir tout d’abord à la question du sens : qu’est-ce que cotiser veut dire ?

Une première compréhension possible est celle de la cotisation comme don de soi (voire sacrifice, pour les camarades les moins aisés), pour la cause du parti. Elle serait à la fois, alors, une sorte d’acte de foi envers le PS, et de preuve de motivation, d’implication. La valeur militante serait, d’une certaine manière, quantifiable à l’aune de l’argent dépensé. C’est ce qui sous-tend, au moins partiellement, les critiques des adhérents à 20 euros comme militants « au rabais », et les critiques des cotisations réduites comme cotisations en soldes.

Cette première conception n’est pas satisfaisante ; conjoncturellement, parce qu’on ne voit pas, dans la période actuelle, ce qui pourrait tant convaincre et enthousiasmer les gens de faire acte de foi envers le PS ; ensuite, le lien entre motivation et propension à contribuer financièrement est hautement discutable, et renvoie aux débats sur la gratuité (respecte-t-on moins ce qui est gratuit ?), alors même que personne, au PS, n’a proposé la gratuité totale de l’adhésion. Enfin, il y a bien d’autres façons pour un militant de témoigner son attachement et sa motivation (par les différentes actions militantes notamment), et on ne voit pas pourquoi le fait de cotiser devrait en être le principal déterminant. Si l’on persistait à suivre cette définition, il faudrait mettre dans la balance tout le travail militant réalisé, pour moduler le montant de la cotisation. J’y reviendrai.

Une autre façon de considérer la cotisation est d’y voir une sorte de cens, de passeport pour le vote, un moyen d’empêcher que « n’importe qui » puisse voter lors de ce qui est devenu le cœur de la vie du PS : les scrutins internes d’investiture. C’est ce qu’est censée assurer l’obligation de se mettre à jour de toutes ses années de cotisation de retard pour participer à un vote de désignation. Mais là encore, le but recherché n’est, dans les faits, pas atteint. Des militants très investis peuvent être empêchés de voter le jour du vote, mis dans l’incapacité de payer des cotisations ou des arriérés de cotisations trop élevés, tandis qu’une « clientèle » peut tout à fait être régularisée par son bénéficiaire le jour du vote.

Un impôt militant ?

Les conceptions liant le fait de cotiser à une question de motivation ou de sélection ne nous semblent donc ni très éclairantes, ni très satisfaisantes. Une analogie plus intéressante serait la comparaison avec une caisse de grève – la cotisation est ce qui permet aux militants de financer leur organisation, et plus particulièrement le déploiement de représentants (de permanents) indépendants (qui ne doivent leurs moyens logistiques qu’aux militants, pas à des lobbys ou des aides publiques) et efficaces. Si on ajoute à cela l’actuelle progressivité des barèmes, principe qu’il semble juste de conserver, alors il devient intéressant de penser la cotisation comme une sorte d’impôt militant sur le revenu. Qui finance le bon fonctionnement des structures de cette contre-société que peut aspirer à être le principal parti d’opposition. De cette caractérisation on peut déduire un certain nombre d’attributs et de réquisits, qui vont avec la conception forte du parti qui semble en découler.

En premier lieu, le « retour sur investissement ». On est d’autant plus prompt à payer des impôts que l’on a le sentiment que les sommes mutualisées sont mises à profit pour offrir des bienfaits qu’un contribuable seul ne pourrait obtenir ou assurer. En l’occurrence, le militant cotisant attend donc que le parti lui rende ce qu’il en attend – possibilités et moyens d’action, formation, sociabilité, victoires électorales (notion de service aux militants). La question de savoir ce que les militants attendent de leur adhésion n’a d’ailleurs rien d’évident, et mériterait sans doute une enquête de terrain.

Ensuite, la traçabilité des fonds investis, de leur parcours, de leurs débouchés. La cotisation représentant un investissement non négligeable, venant par-dessus les dépenses nécessaires du foyer (et plus encore en tant de crise), elle suppose un « contrat de confiance » qui est d’autant plus important que le financement des partis politiques et l’enrichissement des élus sont deux sujets particulièrement sensibles, et récurrents, dans le débat public. Par-delà la satisfaction des désirs des militants, chose subjective s’il en est, on peut donc souhaiter une transparence raisonnable sur le devenir des ressources allouées.

Encore, l’équité dans les prélèvements, et l’affichage sans ambiguïté de la norme retenue. D’une certaine manière, les barèmes de cotisation pourraient servir d’exemple de la fiscalité qu’appelle de ses vœux le parti socialiste (si l’on prolonge la comparaison entre les cotisations et un impôt). Ils devraient donc se fonder sur un principe clair (par exemple, redistribution, progressivité, taxation massive des plus hauts revenus …), revendiqué comme tel et mis en avant comme un élément central de notre identité politique ; et être connaissables de tout un chacun, de sorte que personne n’ait le sentiment d’être lésé, et que, plus pragmatiquement, un sympathisant envisageant d’adhérer sache clairement à quoi s’attendre. Je pense pour ma part, sur ce dernier point, que l’intérêt de la primo-adhésion à 20 euros n’était pas tant, ou pas seulement, son prix modique que son caractère standardisé (chacun savait clairement ce qu’il allait lui en coûter d’entrer au PS).

Enfin, et cela résume d’une certaine manière le reste, l’adéquation des moyens aux fins. Si le PS était entièrement financé par des deniers publics, alors il serait absurde de faire largement cotiser les militants. Et pareillement s’il ne se donnait que de petits objectifs, nécessitant peu de fonds. Les militants doivent avoir le sentiment qu’il y a une proportionnalité entre les buts poursuivis par le parti, l’ensemble de ses sources de revenus, et ce qu’on leur demande de payer. Très concrètement, cela devrait se lire dans l’échelle du barème retenu (va-t-il de 20 à 100 euros, de 20 à 1000 euros ?).


A venir, la suite de cette réflexion avec des propositions concrètes quant à l’amélioration du système de cotisation.

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One Comment

  1. Ben wrote:

    J’attends la deuxième partie ! :D

    Lundi, mars 9, 2009 at 2:12 | Permalink

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