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Aux fils de, la patrie reconnaissante

Quand on évoque le Paris pittoresque, on pense souvent à la butte Montmartre et à ses pentes améliepoulainesques ; le 5ème arrondissement et sa « montagne Sainte-Geneviève » n’ont pourtant rien à lui envier, et ont même le privilège de servir de conservatoire et de témoignage vivant de l’histoire politique récente de la ville. On l’oublie vite, mais Paris n’a pas toujours été associé à « Nuit blanche », « berges de Seine » et « vélib » dans les esprits : il fut un temps, pas si éloigné, où la capitale était la déclinaison microcosmique de l’Etat-RPR, avec les emblématiques Jacques Chirac et Jean Tibéri. Le deuxième est toujours là, intact, replié dans sa mairie d’arrondissement du Quartier Latin ; si l’on a de la chance, on peut même le croiser en liberté, de bon matin ou au crépuscule, patrouillant les rues flanqué de sa célèbre épouse. Depuis la funeste municipale de 2001 et l’auto-destruction de Philippe Seguin, on sait bien, à droite, que l’on ne fait rien à Paris contre le prince Jean. Les rumeurs envoient François Fillon, pour les prochaines législatives, dans la circonscription de ce dernier. Les mauvaises langues, quant à elles, ne peuvent s’empêcher de faire le lien entre ces rumeurs et la récente nomination de Dominique Tibéri – le fils de – en tant que, excusez du peu, contrôleur général économique et financier de première classe. Certains vont jusqu’à dire, en une de médias respectables, qu’il s’agirait de faire place nette pour le parachutage du premier ministre.

Tant mieux pour lui ? Oui mais voilà : ce poste au titre ronflant – et notamment destiné aux « fonctionnaires occupant ou ayant occupé un emploi de directeur général, de directeur ou de chef de service dans les services d’administration centrale placés sous l’autorité des ministres chargés de l’économie, du budget et de l’industrie, ainsi que les fonctionnaires occupant ou ayant occupé dans ces mêmes services un emploi de sous-directeur ou d’expert de haut niveau » – est attribué sur avis consultatif d’une commission. Commission qui en l’espèce a rendu un avis unanimement négatif, faisant même état de « l’absence de connaissances par l’intéressé des missions du corps et des compétences que requièrent ces fonctions ». Oups.

Là où les choses deviennent drôles – ou consternantes, c’est selon – c’est avec la question au gouvernement posée par le député socialiste Jean Mallot mercredi dernier. Reprenant les éléments résumés ci-dessus et initialement dévoilés par le Canard Enchaîné, il porte de très graves et directes accusations de népotisme à l’encontre du processus de nomination, et d’incompétence contre Tibéri Jr. C’est à François Baroin que revient la corvée de répondre, sous la mine sombre et fermée de François Fillon : premièrement, le corps de contrôle dont il est question a été créé par les socialistes et Laurent Fabius ; deuxièmement, ils en ont fait bénéficier des « familiers du pouvoir [de gauche] de l’époque » ; troisièmement, c’est la droite qui a travaillé à en améliorer l’encadrement et la transparence.

Pour qui sait lire entre les lignes (et on peut dire que l’écriture est grosse), ces propos, sans même discuter leur véracité, sont limpides : ils constituent purement et simplement un aveu et un discret lâchage de ceux qui ont organisé la nomination, et de celui qui en a profité. Jean Mallot parle clairement de favoritisme et d’inaptitude, François Baroin lui répond vous aussi, et plus que nous. On notera au passage qu’il inaugure ainsi un nouveau type de justification, variante sarkozyenne de la loi du talion : « si quelqu’un a déjà commis une turpitude, tu peux la réitérer, mais en faisant un peu plus attention ». Gageons qu’elle devrait connaître un beau succès devant les tribunaux.

La mairie du 5ème arrondissement a bien des charmes, dont celui de donner directement sur le Panthéon. Si un jour Dominique Tibéri y siège, peut-être devra-t-il changer l’inscription au fronton du bâtiment en vis-à-vis : Aux fils de, la patrie reconnaissante.

Romain Pigenel

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5 Comments

  1. Emmanuel wrote:

    Tout bon, zéro débat.

    Dimanche, février 20, 2011 at 20:56 | Permalink
  2. Toubon ? Attention, on replonge en plein dans l’ère du RPR … :-)

    Dimanche, février 20, 2011 at 23:25 | Permalink
  3. John_G wrote:

    J’avais également relevé dans le Canard. Cela doit être ma part de naïveté résiduelle mais je suis toujours surpris qu’ils n’hésitent pas à faire des choses aussi grosses (nomination en Conseil des ministres!). La “réponse” de Baroin est absolument lamentable et confirme d’ailleurs la médiocrité générale de ce personnage. Le parallèle de fin avec Migaud et Cahuzac est proprement honteux.

    Pour compléter ton analyse et cette nouvelle forme de “justification” sarkozyenne, je dirais qu’elles sont de deux types:
    - plaider la franchise plutôt que la prétendue “hypocrisie” de la situation ex ante (nominations des dirigeants de l’audiovisuel public). Le CSA n’était pas tout à fait maitre des nominations, faisons donc en sorte qu’il n’y ait plus aucun doute dans le dérèglement institutionnel.
    - Pris la main dans le pot de confiture, faire valoir que les prédécesseurs avaient fait pareil, en pire. Sauf qu’il y a parfois des bugs entre “amis”, comme lorsque notre cher Premier ministre a cité le cas de Sarkozy pour justifier son “invitation” égyptienne.

    En tout cas, merci Jean Mallot et vivement 2014 et un(e) candidat(e) de poids côté PS pour mettre dehors cette clique.

    Lundi, février 21, 2011 at 3:17 | Permalink
  4. Le parallèle de la fin est honteux et surtout montre qu’ils sont dans le grand n’importe quoi. Je crois qu’ils ont une stratégie plus ou moins consciente, avec des mecs comme Lefebvre, de bordélisation du débat politique pour que plus rien n’ait de sens et que leur nullité se perde dans la confusion générale.

    Je te rejoins sur les deux axes que tu décris : c’est tout ce qui leur reste pour camoufler tant bien que mal l’état de gabegie et de déréliction de l’Etat-UMP.

    Lundi, février 21, 2011 at 21:47 | Permalink
  5. MJBB wrote:

    Comment peut-on s’en étonner ? L’occasion fait le larron et, si le ci-devant PM peut y trouver sa pitance, pourquoi pas ? Malheureusement, je te trouve, cher Romain, quelque peu machiste. Tu as oublié les filles de … Peut-être pourras-tu orienter la longue vue sur l’autre illustre bâtisse face au Panthéon, où une fille de a vu son emploi de PRAG érigée à son seul endroit et derechef transformé en poste de MDC. Quand on connaît la compétition féroce pour décrocher un poste permanent à l’Université, on ne peut que s’incliner d’admiration. Mais tout ceci n’est-il pas le produit direct de la réforme sarkozyenne des universités qui a fait baver de jalousie la gauche et la droite “moderne et responsable” ? Aussi, Baroin et consorts auraient pu vanter aussi l’efficacité de leurs trouvailles législatives. Népotisme et favoritisme sont encore les mamelles de la Ve République …

    Mardi, février 22, 2011 at 23:13 | Permalink

9 Trackbacks/Pingbacks

  1. Romain Pigenel on Dimanche, février 20, 2011 at 18:46

    [Variae] Aux fils de, la patrie reconnaissante http://tinyurl.com/4u85e52

  2. jegoun on Dimanche, février 20, 2011 at 18:50

    RT @Romain_Pigenel: [Variae] Aux fils de, la patrie reconnaissante http://tinyurl.com/4u85e52

  3. Louise de Lannoy on Dimanche, février 20, 2011 at 18:51

    RT @Romain_Pigenel: [Variae] Aux fils de, la patrie reconnaissante http://tinyurl.com/4u85e52

  4. [...] A lire sur Variae [...]

  5. Romain Pigenel on Lundi, février 21, 2011 at 20:21

    Dominique #Tibéri : aux fils de, la patrie reconnaissante http://bit.ly/gKXYQf #variae #ump #fillon

  6. Louise de Lannoy on Lundi, février 21, 2011 at 20:26

    RT @Romain_Pigenel: Dominique #Tibéri : aux fils de, la patrie reconnaissante http://bit.ly/gKXYQf #variae #ump #fillon

  7. Variae › Rachida Dati, la dernière des sarkozystes on Lundi, octobre 24, 2011 at 14:47

    [...] [...]

  8. [...] Dati dénonce. « Il a le pouvoir, il a les moyens, il a reçu Jean Tiberi et il a fait recruter son fils au ministère des Finances à un poste contre l’avis du ministère des Finances, et alors que nous réduisons le nombre de [...]

  9. Variae › La France face au péril rose on Mardi, décembre 27, 2011 at 18:26

    [...] ne sera pas facile, comme le montre la mésaventure du capitaine Tibéri, éjecté de sa planque de contrôleur économique et financier de première classe par un Conseil d’Etat déjà noyauté par les gauchistes. Bernard Debré donne le ton : « Si [...]

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