Skip to content

Les caractères de la politique (3) : le minoritaire irresponsable

Il s’agite, trépigne, gesticule, se démène, pour agrandir son espace.

 

Il vit à l’ombre d’un grand frère politique plus habitué que lui aux scores à deux chiffres. Il dit que c’est son drame, il sait que c’est sa chance.

 

Des amis lui ont conseillé, cette fois, non pas de laisser passer son tour pour la présidentielle, mais d’explorer d’autres voies, pour ne pas mettre la famille politique dans laquelle il s’inscrit en danger, vu la gravité du contexte. Il les a traités de faux frères. Le grand frère, quant à lui, lui a proposé de s’associer pour des primaires ouvertes. Il les a balayées pour un prétexte ou pour un autre. Peut-être pas si sûr d’arriver à y surnager. Peut-être pas si sûr de lui, au fond. Il a donc, toutes négociations cessantes, validé son ticket pour le petit tour de manège de mai prochain, sans se faire d’illusions sur le résultat de celui-ci.

 

Il se plaint de son faible accès aux médias pendant les primaires du grand parti, faisant mine d’oublier qu’il pouvait y prendre part. Il se plaint de son étiquette de petit, oubliant de compter les Français qui ont pris part à ses propres primaires, s’il en a organisées, lui qui dit représenter le peuple. Il joue, surjoue et rejoue de sa relation tyrannique de petit à grand. Le grand ne lui adresse pas la parole ? C’est qu’il le méprise. Il ne place pas les problématiques du petit au centre de son projet ? C’est qu’il n’a aucun égard pour les électeurs de celui-ci. Il lui propose de négocier un accord électoral ? C’est qu’il le prend pour un sordide maquignon, alors qu’il est question d’idées et de principes, pas de places, voyons ! Il ne veut plus négocier aussi facilement un accord électoral ? C’est qu’il est repris par ses sempiternelles tendances hégémoniques, tout pour lui, rien pour les autres !

 

Alors le minoritaire tempête, éructe, s’invite à l’improviste, claque la porte, pose des ultimatums, insulte, méprise. Le grand est « complètement dépassé par la situation, il ne saura pas y faire face ». C’est un « bisounours » qui incarne le « tarif super-minimum de la gauche ». « Vous trouvez raisonnable que le spécialiste de la Corrèze décide de notre avenir énergétique ? ». Mais attention, si jamais il prenait au grand l’idée de commencer à le traiter de la même manière, ou même simplement de tenir le quart du dixième du commencement des mêmes propos, que n’entendrait-on pas ! D’ailleurs, c’est tout simplement inimaginable. Le petit peut tout dire car il est petit, le grand rien, car il est grand. Et gare au grand qui croirait avisé de faire remarquer cette disproportion qui, finalement, confirme bien le petit à sa place de petit.

 

Il est de bon ton de rappeler au grand qu’il ne pourrait rien sans le petit. Il serait peut-être bon de se rappeler que le petit ne serait pas grand chose sans le grand, sans les accords électoraux bien accueillants les jours de victoire, et sans la caisse de résonance sous forme de punching-ball qu’il lui offre le reste du temps. Rien de mieux que de traiter de tous les noms un grand pour exister médiatiquement, B.A.BA du buzz. Jusqu’à employer les mots de leurs adversaires politiques communs (capitaine de pédalo dans la tempête), au petit et au grand, pour qualifier le grand, au risque de favoriser ces adversaires, et de fragiliser son propre camp, dans une totale irresponsabilité ?

 

Ce n’est pas pour rien, finalement, que le petit s’appelle petit.

 

Romain Pigenel

 

Le portrait de famille des caractères de la politique continue ici.

A lire aussi :

17 Comments

  1. pegase wrote:

    En autre terme, cela s’appelle un coucou.

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 18:53 | Permalink
  2. Sophia A wrote:

    Le grand frère pourrait se rappeler que de nombreux petits frères ont déserté et lui ont préféré d’autres cieux. Le grand frère a commis des erreurs dont il devrait se souvenir sachant que les abstentionnistes, les indignés et autres potentiels électeurs pourraient apprécier qu’un petit frère pipe le jeu. Les régionales et les cantonales furent des votes sanctions pas des victoires pour l’UMP mais aussi le PS.
    « Si vous avez l’impression que vous êtes trop petit pour pouvoir changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique… et vous verrez lequel des deux empêche l’autre de dormir.» le Dalai Lama

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 19:05 | Permalink
  3. Marianne ARNAUD wrote:

    Pour moi, qui suis loin d’être une spécialiste, il y a des années-lumière entre le supposé programme de Hollande et celui de Mélenchon. En conséquence je ne vois pas au nom de quoi ce dernier n’aurait pas le droit de défendre ses idées, si minoritaires soient-elles ?
    Est-ce la faute de Mélenchon, si le PS s’est laissé persuader par Terra Nova de changer de base électorale ?
    Est-ce qu’on peut reprocher à Mélenchon d’essayer de rallier tous les communistes qui ont trouvé refuge chez Le Pen ?
    S’il réussit, toutes ces voix retourneront à Hollande au second tour, puisque Mélenchon reconnaît lui-même qu’au second tour il n’aura pas d’autre choix.
    Alors pourquoi insulter l’avenir, surtout quand on est “le grand” ?

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 19:27 | Permalink
  4. Pegase wrote:

    D’accord avec Marianne sauf vis à vis de sa dernière question car en l’occurrence c’est bien le petit qui insulte, ce qui ne le grandit décidément pas.
    Ne devrait-il pas mettre son talent au service de ses idées ? On l’estimerait que d’avantage. Personnellement il commence à m’agacer sérieusement. Qu’il se reprenne au risque d’être le pitre de service.

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 20:09 | Permalink
  5. jardidi wrote:

    Achtung Romanus! Le PS n’est que gros et son caractère petit.
    Le seul ennemi du pépère François est sa propre médiocrité. Dans un texte sur Slate, il théorisait déjà sa propre résignation lors de son futur quinquennat. L’appauvrissement que nous devrions connaître lors des cinq prochaines années transformera son mandat en cauchemar pour les classes populaires mais aussi pour le PS. Je ne comprends pas que tu ne le comprennes pas.

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 21:25 | Permalink
  6. “Peut-être pas si sûr de lui, au fond.”

    Ce qui m’a toujours frappé chez Mélenchon, au-delà de qualités et d’une puissance de travail bien réelles, c’est cet espèce d’ego inquiet qui ne le quitte jamais. Malgré l’excellence de ce que parfois il raconte (sur les médias notamment), je le trouve trop préoccupé par lui-même pour inspirer confiance. Je me rappelle qu’il avait été le premier à relayer un buzz mensonger sur Peillon (alors aux prises avec l’affaire Chabot) – il avait ensuite mis en ligne quelques mots rectificatifs lorsqu’il avait pris conscience de son erreur, mais son réflexe premier aura bien été de se faire plaisir à faire le malin et à donner des coups de pied à son ancien camarade, et ceci sur plusieurs paragraphes sur son blog : sans même se donner la peine de vérifier un peu les sources sur lesquelles il réagissait, l’instinct cabot et aboyeur prenait le dessus chez lui (il reste quelques traces de cet épisode : http://tinyurl.com/bu22osv ).

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 22:11 | Permalink
  7. pegase wrote:

    Et si la FNAC (front des nouveaux agités cabotins) l’embauchait comme agitateur d’idées pour les fêtes de fin d’année ?

    Dimanche, novembre 13, 2011 at 23:42 | Permalink
  8. Sophia A wrote:

    Bonne nouvelle ! “EDF, dont une partie des équipes a toujours été hostile au réacteur EPR, développé par Areva et Siemens, propose une porte de sortie à l’affrontement entre Verts et PS sur l’EPR de Flamanville, en affichant sa volonté de laisser tomber ce modèle.” Seul hic, qui peut prendre une telle décision ?

    Lundi, novembre 14, 2011 at 0:04 | Permalink
  9. Cassandro wrote:

    Tu donnes vraiment l’impression de mélanger un peu tout. En l’occurrence, EELV et le front de gauche. Ils n’agissent pas du tout de la même manière, loin de là. EELV (et avant ça les verts) n’est (presque) pas capable de se faire élire tout seul sans se faire soutenir par le PS. Pour le Front de gauche, (et avant ça le PCF), un accord de premier tour est l’exception, pas la règle. Ils ne demandent rien à personne, si ce n’est de respecter la règle du désistement traditionnel à gauche.
    Par ailleurs, le front de gauche a un PS, et encore davantage différent des orientations du candidat choisi. Une bonne partie des sympathisants PS ne veut pas l’admettre.
    Et le PS, hollande en tête, fait la sourde oreille à l’offre publique de débat que nous avons fait. De la part de quelqu’un qui jugeait que l’arrogance de celui qui pense gagner est mauvaise conseillère, ça fait mauvais genre
    (source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/212753;pour-battre-sarkozy-hollande-n-a-encore-rien-compris.html)

    Lundi, novembre 14, 2011 at 1:11 | Permalink
  10. Politizen wrote:

    On se souviendra de lui dans trente ans comme l’homme qui par un bouche à bouche de dernière extrémité appliqué au Parti Communiste l’aura aidé à ne pas trépasser, en en faisant un parti zombie, ni mort ni vivant, un peu comme certaines banques repêchées de justesse de la faillite. Masi il n’est pas inintéressant de se pencher sur son action à l’échelon local, comme à Bagnolet, où il permet à un Maire fantasque, mégalo, et à la compétence très contestée de se maintenir au pouvoir, dans un curieux attelage PC-PG-NPA-MRC, où le PS et les verts sont dans l’opposition !
    Un jour on rigolera bien des contorsions électorales de celui que la courte vie de son parti protège pour l’instant mais pas pour longtemps des bilans politiques.
    Mais depuis que notre Che national a donné l’exemple, pourquoi ne suivrait-il pas cette voie ? Candidat en 2032?

    Lundi, novembre 14, 2011 at 10:50 | Permalink
  11. MAJiCWoofy wrote:

    Sévère mais juste… à l’exception de la dernière phrase
    “Ce n’est pas pour rien, finalement, que le petit s’appelle petit.”
    Ce sont, tous, des acteurs et les petits, pour exister, surjouent leurs rôles.
    Ce n’est quand même pas de leur faute si le prisme médiatique les ignore quand il ne le font pas…
    A droite, Le Pen fait de même pour l’UMP !
    Fort heureusement, ce n’est pas là-dessus que l’élection va se jouer

    Lundi, novembre 14, 2011 at 10:56 | Permalink
  12. @Iceman755 wrote:

    Avec ce genre d’argument, je me demande pourquoi on ne passe pas directement au bipartisme. Le problème est que le grand frère bénéficie d’une position privilégiée dans les médias, et qu’il reste sourd à certaines véléités des “minoritaires”, dites vous avec une certaine condescendance. Pourquoi? Il suffit d’analyser le déroulement de ces primaires, pendant laquelle les minoritaires supposés qu’étaient Valls, Montebourg et Baylet n’ont pas eu accès à la parole avant le premier débat télévisé. Car faire des articles à charge contre eux, ce n’est pas un accès au débat démocratique. Le vrai débat, c’est aussi accepter que tous les extrèmes, même les plus détestables puissent exposer leurs idées et qu’on puisse les contrer sur leur terrain.
    De fait, quand on regarde l’évolution de l’opinion au fil de l’avancement de la crise, on voit que les “minoritaires”, le deviennent de moins en moins car il bénéficie enfin d’un peu d’exposition qu’ils gagnent à travers une provocation que vous avez le droit de considérer comme dommageable pour le can de gauche. C’est par cette provocation qu’ils gagnent le droit de s’exprimer et de développer des idées balayées du revers de la main par le “grand frère”. Car il ne faut pas se leurrer, personne n’a de vérité absolue et entre un EELV anti nucléaire et un PS pro nucléaire sans oser le dire, il y a un chemin. Entre un FdG démondialiste et un PS de social-libéral, il y a aussi un chemin qui n’apparaît pas aux yeux de l’opinion. Le Grand frère paye en ce moment l’arrogance passée des années….Hollande et Aubry. Heureusement, il n’est pas trop tard pour changer et sans accepter tout des petits frères, avoir un dialogue plus ouvert et plus réaliste.

    Lundi, novembre 14, 2011 at 11:36 | Permalink
  13. bob08 wrote:

    Certains s’évertuent a voir dans le vote des primaires,une participation populaire
    alors que nous avons assisté a une mobilisation des appareils politiques,des réseaux d’élus sous influence des marchés!!
    Cherchez l’erreur!!

    Lundi, novembre 14, 2011 at 11:39 | Permalink
  14. Stef wrote:

    Bon billet, j’ai passé un bon moment ^^

    Lundi, novembre 14, 2011 at 15:56 | Permalink
  15. excellent billet comme toujours

    Lundi, novembre 14, 2011 at 22:09 | Permalink
  16. Jean Louis SAILLANT wrote:

    Excellent!

    Mercredi, novembre 16, 2011 at 19:39 | Permalink
  17. Politizen wrote:

    Je crois que nous sommes nombreux au PS à ne pas contester par principe l’existence d’un parti plus à gauche, et pour tout dire le Parti de Gauche ne dit pas que des bêtises. Ce n’est pas ça à mon sens ce qui est critiqué ici.
    Il s’agit plutôt d’une technique maintes fois éprouvée, à commencer au PS en interne par un courant dont – hasard ?- JL Mélenchon était une figure importante. Cela consiste à utiliser une position de minoritaire “indispensable”, ou en tous cas, à la capacité de nuire suffisante, pour que les majoritaires cèdent des postes, des circonscriptions, (rayer la mention inutile) en échange d’une certaine tranquillité.

    Mais ce genre de surenchère a des limites, et si cela fait parfois sourire les habitués des petits matins blêmes de congrès, cela fait désordre exposé sur la place publique.
    La nouveauté, c’est que si l’exercice comporte évidemment des limites à ne pas franchir, J-L Mélenchon semble avoir des difficultés même à les trouver ces limites, en se livrant lui, l’humaniste que je crois sincère, à des outrances verbales que ne renierait pas l’extrême droite, au prétexte que le combat politique c’est comme ça.

    Là où ce cynisme va trop loin, c’est que l’on sait tous très bien que le moment venu, son indignation se montrera soluble dans les accords de deuxième tour.

    Mercredi, novembre 16, 2011 at 20:18 | Permalink

11 Trackbacks/Pingbacks

  1. romainblachier on Dimanche, novembre 13, 2011 at 16:43

    via @romain_pigenel Les caractères de la politique (3) : le minoritaire irresponsable http://t.co/TyjupYCh

  2. Romain Pigenel on Dimanche, novembre 13, 2011 at 16:56

    [Variae] Les caractères de la politique (3) : le minoritaire irresponsable http://t.co/Y9cp7vcm

  3. Polluxe on Dimanche, novembre 13, 2011 at 19:33

    C'était bon RT @JegounBlogs Variae – Les caractères de la politique (3) : le minoritaire irresponsable http://t.co/5jxES1Dk / et paf !

  4. [...] de récession économique. Sont-ils responsables de mauvaises politiques économiques ou juste irresponsables? L’exception à la française prend ici une nouvelle dimension. Responsables politiques [...]

  5. Romain Pigenel on Lundi, novembre 14, 2011 at 8:37

    "Capitaine de pedalo", ultimatums … Les minoritaires sont-ils responsables ? http://t.co/JKeImngm #Variae #2012

  6. Mélenchon, la mouche du coche » Chez dedalus on Lundi, novembre 14, 2011 at 12:36

    [...] avait alors courageusement botté en touche – l’homme a en effet toujours préféré les rodomontades que d’affronter la réalité de son poids politique. Que de la gueule, comme on [...]

  7. jegoun on Lundi, novembre 14, 2011 at 21:23

    Les caractères de la politique (3) : le minoritaire irresponsable http://t.co/MvFdoCg0

  8. [...] Les caractères de la politique (3) : le minoritaire irresponsable Il s’agite, trépigne, gesticule, se démène, pour agrandir son espace. Il vit à l’ombre d’un grand frère politique plus habitué que lui aux scores à deux chiffres. Il dit que c’est son drame, il sait que c’est sa chance. Source: http://www.variae.com [...]

  9. [...] ce qui ne le regarde pas, qui engage des combats inutiles avec la droite, qui a un comportement de minoritaire tyrannique et irresponsable. [...]

  10. Variae › Mélenchon et Bayrou, comme Dupont et Dupond on Mercredi, novembre 30, 2011 at 15:58

    [...] Le parti socialiste qui attire 3 millions d’électeurs sur un panel de candidats allant de Montebourg à Valls et Baylet est le pire cauchemar du MoDem comme du Parti de Gauche. Il préfigure en effet l’alliance entre centre-gauche et gauche « dure » qui est censée être, selon le MoDem comme le Parti de Gauche, impossible par essence. Une alliance qui ôte leur raison d’être et leur plan marketing électoral à chacune de ses deux formations. On comprend mieux,  à cette lumière, certaines réactions aussi pavloviennes que théâtrales. [...]

  11. [...] avait alors courageusement botté en touche – l’homme a en effet toujours préféré les rodomontades que d’affronter la réalité de son poids politique. Que de la gueule, comme on [...]

Post a Comment

Your email is never published nor shared. Required fields are marked *
*
*