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Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet

En quelques semaines, la perspective de la présidentielle 2012 est passée, pour la gauche, du rêve au cauchemar. Pendant un temps les sondages se sont succédés pour affirmer que la plupart des candidats socialistes potentiels étaient capables de battre, largement voire très largement, Nicolas Sarkozy. Il se trouvait pourtant toujours quelque Cassandre pour rappeler qu’une élection n’est jamais gagnée à l’avance et que dans un contexte aussi sinistré que celui de la France épuisée par 4 ans de sarkozysme, la présidentielle restait marquée par une grande incertitude. Aujourd’hui d’autres sondages ont mis un nom sur cette incertitude – celui de Marine Le Pen – nourrissant une certaine hystérie politico-médiatique. Et la belle confiance affichée par les socialistes il y a encore quelques jours ou semaines, quand la seule question semblait être « DSK ou pas », s’est retournée en un accablement quelque peu irrationnel, teinté de panique et de résignation.

Les primaires, pourtant largement votées, et présentées (sans doute excessivement) comme le remède miracle à tous les problèmes, sont désormais pointées du doigt par certains comme un obstacle dont il faudrait se débarrasser. Des élus aussi sérieux, en théorie, que Pierre Moscovici ou Jean-Marie Le Guen se perdent en déclarations fantaisistes, le dernier allant jusqu’à intimer à François Hollande l’ordre de retirer sa candidature, pas assez différente (sic) de celle de DSK. Un groupe de députés fait corps autour de la première secrétaire pour la « défendre » (re-sic). On en arrive au contentieux judiciaire entre candidat et patron de fédération. Sur le terrain, les militants, engagés dans la dernière ligne droite des cantonales et dans la préparation des primaires, se frottent les yeux : y a-t-il encore un pilote sur le paquebot socialiste ?

Il faut faire la part des choses entre l’emballement médiatique, la dimension d’auto-intoxication sondagière sur Marine Le Pen – pour l’instant, sa force électorale n’est que spéculative, et c’est plutôt Nicolas Sarkozy qu’elle semble mettre en danger – et les problèmes structurels qui ne sont que révélés et amplifiés par la crise passagère. Oui, le parti socialiste ne semble pas être dans la meilleure situation possible pour aborder les présidentielles. Cela tient à une série d’éléments que nous avons été plusieurs à dénoncer depuis des mois et qui font système. Tout d’abord le contexte politique. Contrairement à ce que l’on entend parfois, la campagne des présidentielles a déjà commencé et sera longue. Regardons les forces en présence : le FN a sa candidate en piste, qui mène une campagne tonitruante ; la droite défend la réélection de son président dans la tourmente, président dont on voit trop bien que toutes les décisions politiques sont désormais à visée électorale ; le Front de Gauche a Jean-Luc Mélenchon, ne laissant au PCF que la liberté de bloquer la candidature de ce dernier ; seuls le Parti socialiste, les Verts et le marais centriste s’empêtrent encore dans des questions de personne. Deuxièmement et par conséquent, le PS n’a pas de voix claire et unique dans le débat. Plus on s’approche des primaires, plus la légitimité de « chef » de Martine Aubry se délite ; qu’au bout du compte elle se présente à la primaire, ou qu’elle n’en soit que la grande organisatrice, elle tend à devenir une dirigeante parmi d’autres, pas plus reprise ou entendue que Laurent Fabius, François Hollande, Ségolène Royal ou les représentants de DSK. Troisièmement et toujours en conséquence, le projet du PS est inaudible, ne serait-ce même que sous la forme des grandes lignes qui suffisent à ce stade de la compétition.

De ce triptyque de maux liés découlent tous les autres. On entend plus parler les dirigeants socialistes de tactique interne et de stratégie externe que des problèmes du pays. Face aux provocations de l’extrême-droite, qui mène une campagne de triangulation et de contre-pied systématique, on est incapable de répondre avec la souplesse, la rapidité et la fermeté nécessaires. Enfin, il est très compliqué de mettre en valeur la masse importante de propositions réellement produites durant les conventions de travail du parti, tant il leur manque la mise en musique et l’ordonnancement définitifs qui ne pourront être donnés que par le candidat effectif du parti.

Rester l’arme à terre et regarder les trains passer, en s’en tenant au calendrier électoral interne décidé (et qui ne « produirait » un candidat qu’en novembre prochain), serait une grave erreur, qui condamnerait les socialistes à passer encore des mois dans cette léthargie confuse et inquiète. Une telle option ne serait utile que si elle permettait au bout du compte de rassembler la gauche et les écologistes pour une candidature unitaire, mais il n’y a pour l’instant pas d’ouverture sur une telle perspective. Inversement, céder à la panique et annuler purement et simplement les primaires, dont la préparation pratique est déjà très avancée dans certaines fédérations, serait un très mauvais signal envoyé à l’extérieur, et sans doute la trahison de trop pour plus d’un militant. Sans compter que cela n’empêcherait en rien la foire d’empoigne entre prétendants, sauf à imaginer que tous les candidats se désistent en faveur d’un seul. C’est donc la question du calendrier interne qui doit être posée à nouveaux frais, tout en préservant le potentiel de mobilisation populaire que nous offrent les primaires. Le candidat socialiste doit être désigné avant l’été pour lui donner ensuite le temps de préparer et d’installer sa candidature, en se « rôdant » et s’appuyant sur les sénatoriales à la rentrée.

Qui dit candidat, dit légitimité, dit discipline de campagne chez les autres responsables socialistes, dit toute latitude pour bâtir et porter un projet à partir des travaux préalablement menés. A défaut d’une accélération du calendrier, nous reproduirons le dispositif de 2006-2007, dans un contexte, qui plus est, fortement dégradé. Tient-on vraiment à se tirer une balle dans le pied ?

Romain Pigenel

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5 Comments

  1. Je suis bien d’accord avec toi (et je ne dois pas être le seul): les primaires sont programmées beaucoup trop tard. Le feuilleton du délitement de la gauche va perdurer pendant des mois poussant l’électorat potentiel des “sympathisants” au mieux à l’abstention et en tous cas au désintérêt pour une compétion dans laquelle les coups bas, retournement de veste, mensonges et flou des propositions créent un “gloubi-boulga” inaudible -donc inexistant pour les médias- sans cohérence.
    On sait à qui on doit ce calendrier. Mosco et les gardiens du Temple DSK -le sauveur de la gauche de gouvernement- s’affolent parceque les sondages ont une tendance à la baisse pour leur mentor et que l’action terrain que mènent simultanément Ségolène, Arnaud et Hollande commence à payer et, de toute évidence, leur procurera une avance considérable d’ici un an.
    Dans ces circonstances la candidature DSK -sans présummer d’éventuels interventions contre-productives du FMI dans le cadre de la crise financière toujours présente et non-réglée – s’avère beaucoup plus aléatoire que ne l’ont laissé envisager les sondages depuis le début d’année. Se prendre une veste au niveau des primaires est certainement insupportable pour DSK et quelques un de ces lieutenants qui se voient déja en place à Matignon. Donc supprimons les primaires (approuvées par une très large majorité des militants – comme le non-cumul des mandats), et nommons DSK candidat même si il faut pourça perdre plus de la moitié des adhérents du parti…et faire voter les morts !

    Vendredi, mars 11, 2011 at 10:21 | Permalink
  2. Le cocktail “montée de Le Pen – matraquage de sondages” est en effet devenu le nouvel argument à la mode pour expliquer la nécessité de la candidature DSK. Se rendent-ils compte qu’ils lui font ainsi beaucoup plus de mal que de bien ?

    Vendredi, mars 11, 2011 at 14:59 | Permalink
  3. marc wrote:

    Si je suis d’accord sur le calendrier trop tardif (pas un hasard, demain j’accueille JM Ayrault sur mon petit marché!), je suis par contre perplexe sur le programme qui se serait pas “audible” par la seule absence de candidat. Je suis plus généralement pessimiste sur la possibilité de faire connaître les programmes, au delà de quelques bribes caricaturées. J’ai beaucoup écouté les médias politiques sur cette question : il est impossible d’en placer une sur le projet. Les journalistes sont ENNUYES par les dizaines, centaines de pages du projet PS. Il en est de même côté UMP (cf sa convention sur l’école de nov. dernier => des trucs super dangereux mais jamais repris hors d’une petite partie du monde enseignant). A part dans quelques forums isolés sur internet, il ya TRES PEU de discussions sur le projet déjà rédigé. Parce qu’il n’engage pas le candidat ? La démarche actuelle du PS est que le projet engage le candidat, Martine Aubry l’a encore redit cette semaine.
    Cela me paraît beaucoup plus sain et honnête, même si cela déroute les habitués de la 5eme république. C’est aussi faire passer un message : le projet est d’abord celui de la future majorité parlementaire, pas celui d’un hyperprésident. Un porte-à-porte massif pour faire parler du projet dès le mois de mai, pour que les gens arrêtent de croire que les questions de personnes sont l’essentiel !

    Vendredi, mars 11, 2011 at 20:26 | Permalink
  4. Emmanuel wrote:

    Je suis d’accord avec toi sur bien des points (http://left-it-blend.eu/?p=64) mais le débat sur le changement de calendrier ne serait pas moins suspect d’arrières pensées tactiques que celui sur la légitimité sondagière d’un ou d’une candidat(e), ou sa “différence” avec un autre.

    Samedi, mars 12, 2011 at 13:15 | Permalink
  5. @Marc : je ne dis pas que les questions de personne sont essentielles, mais il faut reconnaître que dans un moment aussi personnalisé qu’une élection présidentielle, elles jouent particulièrement. Au sujet du programme : je pense, oui, que l’absence de “chef” clair empêche sa finalisation et donc entrave sa réception (déjà difficile en temps normal, on est d’accord).

    @Emmanuel : en l’occurrence, on parle de DSK :-) A-t-il vraiment intérêt à retarder son retour ? Je ne le pense pas, même dans l’hypothèse où il serait désigné candidat au bout du compte. Plus sa campagne commencera tard, plus on pourra l’attaquer sur son côté “hors-sol”.

    Samedi, mars 19, 2011 at 19:23 | Permalink

13 Trackbacks/Pingbacks

  1. jegoun on Jeudi, mars 10, 2011 at 19:24

    RT @Romain_Pigenel: [Variae] Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet http://tinyurl.com/4uojzpk

  2. zeyes on Jeudi, mars 10, 2011 at 19:33

    A lire chez @Romain_Pigenel "Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet" http://tinyurl.com/4uojzpk [+1]

  3. Louise de Lannoy on Jeudi, mars 10, 2011 at 19:38

    Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet – http://goo.gl/iheMC

  4. PensezBiBi on Jeudi, mars 10, 2011 at 19:38

    RT @LoudL: Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet – http://goo.gl/iheMC

  5. Monique HAZARD on Jeudi, mars 10, 2011 at 19:41

    bien vu ! RT @Romain_Pigenel [Variae] Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet http://tinyurl.com/4uojzpk

  6. Toyan on Jeudi, mars 10, 2011 at 21:16

    Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet http://t.co/0ALdVge via @Romain_Pigenel

  7. banshees on Jeudi, mars 10, 2011 at 21:19

    RT @Toyan66: Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet http://t.co/0ALdVge via @Romain_Pigenel

  8. Romain Pigenel on Vendredi, mars 11, 2011 at 14:02

    Annuler ou accélérer les #primaires ? http://bit.ly/fQFG8P #PS #2012 #variae #dsk #hollande #royal2012 #montebourg #aubry

  9. Laure BARGUILLET on Vendredi, mars 11, 2011 at 15:59

    RT @Liberte02: RT @Romain_Pigenel: Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet #variae http://bit.ly/fQFG8P

  10. Anna Gueye on Samedi, mars 12, 2011 at 12:52

    RT @Toyan66: Parti socialiste : changer de calendrier pour changer de braquet http://t.co/0ALdVge via @Romain_Pigenel

  11. [...] un peu vagues serait une façon fort malvenue de brûler les étapes et de brusquer le calendrier voté : d’abord des élections intermédiaires, puis le projet, puis encore des élections [...]

  12. Variae › Paresse idéologique et confort sondagier on Mercredi, avril 20, 2011 at 13:28

    [...] rythme, ou plutôt dans une pluralité de rythmes discordants qui en brouillent la compréhension. Le calendrier a aussi sa part de responsabilité : entre les candidats déclarés, ceux qui ne sont déjà plus [...]

  13. Variae › Les primaires, envers et contre tout on Lundi, mai 23, 2011 at 0:12

    [...] créer les conditions d’une confrontation de programmes et de personnalités, et pourquoi pas accélérer un calendrier qui était – c’est un secret de Polichinelle – déterminé par la date de retour de DSK [...]

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