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Nicolas Sarkozy, président en fuite

Parfois, la réponse à une interrogation gît là, sous nos yeux, tellement évidente qu’on ne la voit pas.

 

Cela fait un certain temps que je me demande comment qualifier Nicolas Sarkozy. Tout a été dit sur lui. Trop. Personnage complexe et mouvant, il a opéré durant ces derniers mois, en outre, une métamorphose communicationnelle, qui achève de brouiller les cartes. L’écart de la chambre à 37 000 euros mis à part (et on a vu avec quelle rapidité l’affaire a été étouffée), c’en est fini, pour le moment, du ludion hyperbolique et excessif qui se mêlait de tout, écrasant François Fillon pour mieux saturer l’espace médiatique. Le Sarko nouveau a même résisté à l’envie d’intervenir directement sur le drame cévenol – on mesure à ce détail seul l’ampleur de l’effort.

 

En fait, l’énigme n’est pas très difficile à résoudre. Sa solution est sous nos yeux. Elle est là, dans cet élément de langage consciencieusement rabâché par l’UMP sur un président « capitaine dans la tempête ». Un homme, donc – si on déplie la métaphore – qui saurait prendre ses responsabilités et qui ne quitterait pas le navire, avec femmes et enfants, à la première bourrasque. Or quand on y songe un peu, c’est exactement du contraire qu’il s’agit. C’est même le premier qualificatif qui s’impose pour le président sortant et sa majorité politique : la couardise, l’incapacité à assumer ses responsabilités. En un mot, la fuite.

 

Première fuite que celle consistant, justement, à se réfugier in extremis derrière ses ministres pour restaurer son image et se faire oublier des Français, pour retenter une énième rupture, un improbable « J’ai changé 2 » en janvier prochain. Sarkofrance titrait ce matin : Sarkozy se planque, ses ministres font campagne à sa place et c’est exactement de cela qu’il s’agit, d’un pari à la sauce « plus c’est gros, plus ça passe » sur la mémoire courte des Français.

 

Deuxième fuite, plus identitaire et définitoire encore, celle consistant à sans cesse invoquer un calamiteux passif socialiste pour expliquer tous les maux du pays. La faute à Mitterrand, la faute aux 35H, la faute au laxisme sécuritaire ! La ritournelle virait déjà à l’escroquerie en 2007, au sortir de 5 ans de Chirac. Elle revient désormais, au bout de dix ans de droite, à prendre les Français pour des sinistres imbéciles, incapables de compter le nombre d’années depuis lesquelles la gauche n’a pas eu le pouvoir en France, et le temps que cela a laissé à la droite pour défaire ce dont elle avait hérité – et faire mieux à la place. Pourtant, c’est encore cette scie usée jusque au manche que Nicolas Sarkozy a utilisée lors de son dernier Sarkoshow en prime time.

 

Troisième fuite, aussi ancienne que le sarkozysme, celle consistant à chercher des boucs-émissaires de plus en plus improbables pour expliquer les maux que le président et le gouvernement s’avèrent incapables de traiter. Il y eut, l’été 2010, la pantalonnade sur les Roms, pour tenter de ressusciter l’image du Sarkozy « premier flic de France ». C’est aujourd’hui, après le « cancer de l’assistanat », la fraude sociale que l’on érige au rang de cause nationale – en oubliant au passage l’ampleur de la fraude fiscale car, on l’aura compris, les boucs émissaires sarkoziens se trouvent toujours du même côté de l’ascenseur social.

 

Quatrième fuite, celle consistant à se défausser sur la crise. Ils ne le crieront bien entendu pas sur tous les toits, mais la crise, avec ses différentes étapes depuis 2008, est une divine surprise pour les sarkozystes. Elle a le même effet qu’un tsunami qui raserait des quartiers entiers de taudis gérés par des promoteurs véreux, faisant table rase des preuves et noyant les responsabilités particulières dans l’ampleur du sinistre. C’est un élément de langage quasi pavlovien chez les hommes et les femmes du Président : toujours rappeler que « c’est la faute à la crise », croissance en berne, pouvoir d’achat moribond, chiffres du chômage en constante augmentation. Xavier Bertrand vient encore d’en faire la démonstration avec son annonce précoce, pour tenter de les déminer, des chiffres – calamiteux – de l’emploi. Divine surprise encore que le semblant d’autorité donné au président par les sommets européens et mondiaux à répétition, quand le locataire de l’Elysée ne fait en réalité que passer son temps à s’aligner sur notre voisin allemand, guettant anxieusement les agences de notation qui lui font les gros yeux. Car c’est lui, en fait, le vrai « candidat sous influence », comme dirait Roselyne Bachelot.

 

Cinquième fuite – mais elle regroupe tout le reste – la piteuse tentative de déplacer le débat présidentiel sur le terrain de la carrure, de l’expérience, de la supposé supériorité personnelle, donc, du cap’taine Sarko sur le moussaillon Hollande, alors même qu’on se demande si une expérience présidentielle comme celle du maire de Neuilly n’est pas de celles que l’on cache sur son CV, de peur d’avoir à rendre compte. Parler de carrure et de copinage avec les grands de ce monde pour éviter au fond, une seule chose : le bilan, le comparatif froid et implacable entre les promesses de 2007, et la France en miettes qui est aujourd’hui ballotée au gré des spasmes spéculatifs de sa dette.

 

Ce qui va mal dans l’hexagone ? La faute, au choix, de la crise, des Roms, des pauvres, des chômeurs, des banlieusards, des assistés, des fraudeurs, des étrangers, des socialistes, voire de l’ancien Sarkozy, le casseur de pov’ cons qu’il faudrait aujourd’hui oublier, celui qui – tiens, encore une fuite – aimait à sauter de sujet en sujet, allumant incendie sur incendie. La faute, en gros, de la France, puisque le programme que lui propose le commissaire politique Copé est une injonction au courage – ce qui laisse entendre qu’elle en manque, la France, de courage, ou qu’elle ne l’a pas encore assez démontré. Les électeurs apprécieront.

 

Un président lâche, qui joue à cache-cache avec le résultat de ses décisions. Un président que l’on imagine bien incapable de reconnaître publiquement, comme son modèle Obama : I screwed up. Un président en perpétuelle fuite devant lui-même.

 

Il n’y a finalement pas grand chose d’autre à en dire, ou à en retenir.

 

Romain Pigenel

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7 Comments

  1. Marianne ARNAUD wrote:

    “Il n’y a finalement pas grand chose d’autre à en dire, ou à retenir”.
    Moi je retiens : personnage complexe, ludion hyperbolique, couard, incapable d’assumer ses responsabilités…
    Ne dirait-on pas que c’est lui qui a signé cet accord calamiteux avec les Verts ?

    Mardi, novembre 29, 2011 at 5:19 | Permalink
  2. Dominique wrote:

    N’importe quoi, “sarkozy se planque”. Je suis de mauvaise humeur attention

    Mardi, novembre 29, 2011 at 9:48 | Permalink
  3. Marco wrote:

    Super billet, illustrant à merveille ce quinquenat qui sera difficile à oublier.
    Je suis recemment tombé sur http://www.alterinfo.net/Decryptage-du-comportement-politique-de-Sarkozy_a16567.html, écrit en 2008, qui qualifie également bien le personnage.
    Avec un tel pedigree, il devrait être impossible de se faire réélire. Et pourtant, la menace est réèlle.

    Mardi, novembre 29, 2011 at 10:11 | Permalink
  4. corto74 wrote:

    Vous etes tout de meme drôle. Fut une époque où toute la Socialie, mais pas que, fustigeait l’hyperprésident qui se mêlait de tout et de rien ; voila que l’homme adopte la stature que vous lui souhaitiez et vous le traitez de fugitif, faudrait savoir .

    Mardi, novembre 29, 2011 at 10:46 | Permalink
  5. MAJiCWoofy wrote:

    Beau décryptage de la tactique…
    qu’il va pouvoir utiliser pendant encore quelques semaines en se planquant derrière son statut de président, mais ça c’est de bonne guerre.
    Reste que, vu l’énormité des ratages, ses adversaires vont le pilonner sur le bilan et il ne pourra pas se cacher jusqu’en mai…

    Mardi, novembre 29, 2011 at 10:59 | Permalink
  6. @Marianne :

    “Ne dirait-on pas que c’est lui qui a signé cet accord calamiteux avec les Verts ?”

    Allez savoir ! Peut-être s’était-il grimé en Michel Sapin. Oh, le fourbe.

    @Dominique : oups.

    @Marco :

    “Avec un tel pedigree, il devrait être impossible de se faire réélire. Et pourtant, la menace est réèlle.”

    Ah ça …

    @Corto :

    “Fut une époque où toute la Socialie, mais pas que, fustigeait l’hyperprésident qui se mêlait de tout et de rien ; voila que l’homme adopte la stature que vous lui souhaitiez et vous le traitez de fugitif, faudrait savoir .”

    Je ne crois pas avoir jamais (ou alors très rarement) attaqué Sarkozy sur son mode de présidence. J’ai même pu le défendre lors des critiques sur le bling bling.

    @Majic :

    “il ne pourra pas se cacher jusqu’en mai”

    ça va être dur, oui !

    Mercredi, novembre 30, 2011 at 1:22 | Permalink
  7. jardidi wrote:

    Ben…c’est ce que je t’avais dis voici quelque temps! Il faut quand même retenir qu’un tel personnage peut se retrouver à la tête du pays et qu’il peut délirer sans opposition efficace durant cinq ans. Très inquiétant pour l’avenir.
    Autre chose, s’il est aussi médiocre, pourquoi le PS n’est pas certain de le balayer? Il faudrait réfléchir à cela. Propagande efficace et donc fin de la démocratie ou médiocrité parallèle du PS?

    Mercredi, novembre 30, 2011 at 11:27 | Permalink

19 Trackbacks/Pingbacks

  1. romainblachier on Mardi, novembre 29, 2011 at 0:38

    via @romain_pigenel Nicolas Sarkozy, président en fuite http://t.co/Gucz9G39

  2. G. Alain bembelly on Mardi, novembre 29, 2011 at 9:39

    Nicolas Sarkozy, président en fuite http://t.co/HPPVW7HF via @Romain_Pigenel

  3. Romain Pigenel on Mardi, novembre 29, 2011 at 12:10

    Nicolas #Sarkozy, président en fuite http://t.co/LCsi3pLw #variae

  4. Juan on Mardi, novembre 29, 2011 at 22:18

    président en fuite http://t.co/buEK4y1q

  5. Juan on Mardi, novembre 29, 2011 at 22:18

    président en fuite http://t.co/buEK4y1q

  6. Laure BARGUILLET on Mardi, novembre 29, 2011 at 22:21

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  7. Tess Itron on Mardi, novembre 29, 2011 at 22:24

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  8. joelle on Mardi, novembre 29, 2011 at 22:30

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  9. Désenfumage on Mardi, novembre 29, 2011 at 22:32

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  10. Romain Pigenel on Jeudi, décembre 1, 2011 at 18:41

    Confirmé ce soir : Sarko est l'homme qui n'assume rien / #Sarkozy, président en fuite http://t.co/LCsi3pLw #variae #toulon

  11. b.mode on Jeudi, décembre 1, 2011 at 18:41

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  12. slovar on Jeudi, décembre 1, 2011 at 18:44

    Confirmé ce soir : Sarko est l'homme qui n'assume rien / #Sarkozy, président en fuite http://t.co/LCsi3pLw #variae #toulon

  13. [...] de toutes ses responsabilités et je lui donne matière à gonfler ses petits muscles, vous savez, son numéro habituel, le « Je suis le capitaine dans la tempête, vous n’allez quand même pas donner le gouvernail [...]

  14. Variae › Ce qui cloche chez Claude Guéant on Dimanche, décembre 4, 2011 at 20:42

    [...] ne pas en parler. Pour ne pas se faire prendre, justement, dans les rets de cette stratégie de diversion de l’UMP, qui permet à la majorité sortante de balader journalistes, opposition et opinion [...]

  15. [...] président, ses ministres de l’économie et du budget n’y purent rien. Les règles d’or les [...]

  16. Variae › Voulez-vous sauver la banque Sarkozy ? on Jeudi, décembre 8, 2011 at 10:01

    [...] Le président et son parti se comportent aujourd’hui exactement comme les « banksters » qu’ils critiquent (parfois). Après avoir prospéré électoralement sur des promesses puis des réalisations ineptes (les heures supplémentaires, le bouclier fiscal), ils viennent, quand celles-ci finissent par porter leurs fruits amers, réclamer l’aide de leurs opposants pour éteindre l’incendie. Cela porte un nom : la privatisation des bénéfices, et la socialisation des pertes. [...]

  17. [...] Nicolas Sarkozy fait une visite surprise nocturne dans une BAC de banlieue, accompagné d’une cinquantaine de journalistes et du double de gardes du corps. « Le combat pour l’insécurité, hein, il ne suffira pas d’un mandat pour l’gagner. C’est pas en dix ans qu’on efface les traces du laxisme  de la gauche plurielle ». Alors qu’un officier lui explique qu’il n’est pas sain pour un policier de rester trop longtemps dans cette unité, le pas-encore-candidat commente, les yeux dans le vague : « J’vous comprend tellement bien. Et dire que vous pourriez être ailleurs, à vous faire d’l'argent pendant ce temps ! Et moi aussi, d’ailleurs. ». [...]

  18. Romain Pigenel on Vendredi, avril 20, 2012 at 21:12

    #VotezHollande Nicolas Sarkozy, président en fuite http://t.co/5OXyAZuJ

  19. La fraude sociale, moteur du vote FN ? on Vendredi, avril 27, 2012 at 16:22

    [...] invoqué par les électeurs du Front national, et un phénomène principalement pointé du doigt à droite, même si le Parti socialiste a souvent répété que c’était un problème auquel il fallait [...]

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