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L’appel à l’aide de @nk_m : vos idées pour Sarkozy, vite !

Commençons par une note positive : pour ceux qui s’inquiétaient pour elle, Nathalie Kosciusko-Morizet est toujours en vie et semble bien se porter. NKM décriée, NKM cornerisée, NKM placardisée, mais NKM facebookisée ! La porte-parole de Nicolas Sarkozy, très critiquée dans son camp (elle était même dite sur la sellette il y a peu) a trouvé une occasion de rebondir, comme nous l’apprend la newsletter de la France Forte de lundi, en réinventant le métier de speakerine à l’ère de Facebook. Mes hommages.

On découvre donc – devant un fond d’écran qui n’a rien à envier aux plus belles heures de la télévision soviétique, et sous l’œil morne de l’affiche de Nicolas Sarkozy – l’ancienne ministre de l’environnement, le ton saccadé et l’air à peu près aussi à l’aise qu’un pingouin parachuté au milieu de la savane. « Nous avons, euh, voulu lancer une application qui s’appelle « IDEES », euh, une application de partage d’idées, de partage de projets, de partage de propositions … ça fait suite aux dernières évolutions de nos outils sur le web, vous avez vu qu’ils sont devenus beaucoup plus participatifs ». Le but ? « Vous allez pouvoir poster des idées très concrètes, vous allez pouvoir aussi voter, voter pour choisir lesquelles parmi ces idées vous semblent les plus intéressantes. C’est comme ça aussi que je conçois mon rôle de porte-parole, vous donner la parole ». Celles recueillant le plus de votes donneront le droit à leur auteur de venir discuter de leur mise en œuvre au QG de campagne de Sarkozy.

Le lecteur doué d’une certaine mémoire politique doit déjà, à la lecture de ces quelques lignes, avoir bondi plus d’une fois sur sa chaise.

 

Premièrement, cette belle application Facebook de « partage d’idées concrètes » (et tellement novatrices : « Changer le mode de fonctionnement des représentants du personnel syndiqués », « Rendre obligatoire la présence et la participation des élèves aux cérémonies patriotiques », « rendre l’uniforme obligatoire à l’école » …) n’a rien de nouveau ni d’innovant : il ne s’agit ni plus ni moins que d’un copié-collé intégral du très décrié réseau social de l’UMP, les « Créateurs de possibles », vestige de l’ère Xavier Bertrand enterré à l’arrivée de Jean-François Copé, fin 2010. La création à 500 000 euros de l’agence Isobar devait justement permettre aux internautes de collaborer autour de projets concrets pour améliorer leur quotidien. Le lecteur ayant oublié ce peu glorieux épisode de l’Internet politique se rafraichira la mémoire avec ce délicieux clip d’époque, où nous découvrions Virginie, cette jeune mère de famille qui s’intéressait à Frédéric Lefebvre, mais aussi à la politique, sans oublier Frédéric Lefebvre, « notamment pour son franc-parler ». Ô temps, suspends ton vol.

Deuxièmement, il y a, bien entendu, un ancêtre encore plus remarquable à l’application participative que nous présente NKM. Faites remonter vos idées au candidat, les meilleurs intégreront son programme, ça ne vous rappelle rien ? Bon sang, mais c’est bien sûr, la démocratie participative de Ségolène Royal ! La démocratie participative dont le candidat de la France Forte, en 2007, disait le plus grand bien : « Je veux un président qui gouverne […] La démocratie participative, c’est la fin de toute volonté politique, c’est la fin de la politique qui prend ses responsabilités […] La démocratie participative ce n’est pas une nouvelle manière d’associer le peuple aux décisions qui le concernent, c’est juste la forme ultime de la démagogie ». Ou encore, lors d’un mémorable rassemblement de ses comités de soutien à la Mutualité, au sujet de Ségolène Royal toujours : « Je ne comprends pas que l’on puisse être candidat en ayant chevillée au corps l’idée que [...] le seul idéal c’est la démocratie d’opinion. Parce que la démocratie d’opinion c’est l’ultime renoncement de la politique ». Pauvre NKM qui se trouve réduite, en Catherine Langeais du like, à faire la promotion d’une application Facebook qui consiste en une « forme ultime de la démagogie », en un « ultime renoncement de la politique » !

 

Troisièmement, et c’est peut-être le pire, NKM n’a depuis des semaines qu’un seul argument à la bouche contre François Hollande : il n’a pas de programme. « On voit encore plus que François Hollande n’a pas de dynamique, qu’il vit en rentier des sondages, qu’il n’a pas de propositions et qu’il n’a pas d’identité […] Nicolas Sarkozy fait une campagne de propositions », alors que François Hollande fait « une campagne d’esquive ». Pour mémoire, le projet de François Hollande a été présenté le 26 janvier, alors que l’on attend toujours celui de Nicolas Sarkozy, de même que le grand livre d’explications que nous avait promis l’équipe du candidat sortant. Et on en appelle maintenant aux internautes, à 3 semaines du premier tour, pour faire l’aumône d’une idée à l’ancien maire de Neuilly !

 

De deux choses l’une. Soit l’équipe web de la France Forte espère réellement faire remonter des idées pour le programme de Nicolas Sarkozy, et alors on comprend mieux les raisons de la parution sans cesse repoussée de celui-ci : le candidat sortant n’arrive tout simplement pas à boucler un projet à la hauteur de l’enjeu, avec des propositions suffisamment novatrices et percutantes. Soit il ne s’agit que d’un coup de comm’ pour remobiliser ses troupes, sans réelle volonté de les associer, et alors les accusations de « démagogie » de 2007 peuvent être retournées à leur envoyeur. Car comment comparer le processus long et sérieux qu’avait mis en place Ségolène Royal lors de la précédente élection présidentielle, avec un dispositif lancé à la sauvette, à quelques jours du vote décisif, en se servant dans les ruines des Créateurs de Possibles ?

 

Romain Pigenel

Sarkozy le pauvre hère de l’Elysée s’affiche sur Match

Son visage se multiplie sur les panneaux publicitaires et devant les kiosques à journaux. Pris en photo, nous dit-on, « le dimanche 25 mars, 16H30, au Palais de l’Elysée », il fait la une de Paris Match avec une accroche doloriste : « après l’épreuve de Toulouse », « je serai un président différent ».

Le pauvre homme, qu’il a dû souffrir ! Regardez-le, son corps dans une posture mal assurée, épaules de 3/4 légèrement tombantes, courbure de la cravate qui laisse deviner un peu de ventre, un bras invisible, l’autre un brin ballant, comme ayant du mal à trouver sa place. Sa tête, qui semble dodeliner légèrement, vous donne presque immédiatement envie de le prendre dans vos bras pour lui faire un gros câlin.

Le teint est pâle (je travaille beaucoup, je ne prends jamais le soleil), fatigué voire maladif (je travaille tard). Les cheveux parcourus de ce gris qui a fait son apparition peu avant le début de la campagne (j’ai tout le poids de la France Forte sur la tête, ça me fait des cheveux blancs). Et ce sourire, ah, ce pauvre sourire, un peu contraint, pas contraint parce qu’en temps normal il ne sourit pas, oh non, mais contraint parce que vraiment il n’a pas la tête à sourire, avec tout ce travail et tous les soucis du vaste monde. Un sourire de brave type, au fond. Heureusement, l’œil garde toute sa lucidité, même si les paupières tendent à tomber (je ne dors pas beaucoup, tellement je travaille).

Ce sourire presque contrit, presque timide (pensez donc, avec tout ce monde qui doit m’regarder), que l’on retrouve aussi sur l’affiche de la France Forte, qu’il est loin de l’horrible Sarkozy, hargneux, haineux, hâbleur dont les antisarkozystes primaires passent leur temps à dire tant de mal !

Qu’il est différent, ce Nicolas Sarkozy, du jeune premier qui s’affichait il y a 5 ans en une du même hebdomadaire face à Ségolène Royal …

Ou même du fringuant quinqua qui parade en compagnie de Carla Bruni …

Sans même parler de l’athlète façon Poutine, torse nu au bord de l’eau …

C’est simple : comme il l’a dit et répété à son meeting de Villepinte, Nicolas Sarkozy « a appris », il a changé une fois de plus, et il le montre, en toute intimité au lecteur de Paris Match, au badaud qui passe devant la publicité.

Un homme marqué physiquement par l’exercice du pouvoir, un homme redevenu humain, celui dont la femme s’épouvante : mon mari travaille tellement, j’ai peur qu’il meure ! Un homme qui finit par ressembler à ce montage photo que font circuler les méchants antisarkozystes depuis des années :

Bref, un homme comme vous et moi, un bon gars qui rentre le soir, éreinté, retrouver sa petite fille et son épouse. Épouse qui elle-même, d’ailleurs, loin de l’image de reine des podiums qu’on lui prête souvent, est une maman toute simple, qui sort en tenue grise et informe avec son bébé, comme l’a indubitablement prouvé … Paris Match. Bonjour Mère Courage ! Un modèle (au top) pour toutes les femmes de ce pays.

Je tiens néanmoins à rassurer mes lecteurs : dès qu’on l’installe sur une tribune de meeting, devant ses militants, le bon vieux Sarko ressuscite, tel le diable jaillissant de sa boîte.

Docteur Nico et Mister Sarko ? Faudrait quand même faire attention à ne pas s’y perdre, entre toutes ces identités.

Romain Pigenel

Quand Nicolas Sarkozy ressuscite le spectre du 11 septembre

« Le traumatisme de Montauban et Toulouse a été profond dans notre pays, un peu – je ne veux pas comparer les horreurs – un peu comme le traumatisme qui a suivi aux États-Unis et à New York l’affaire de septembre 2001, le 11 Septembre. ».

 

De l’art de manier la prétérition. Sur Europe 1, Sarkozy dit qu’il ne veut pas comparer les horreurs, mais de fait, il les compare. Soit : il faudrait donc, avec une sorte de balance des atrocités, soupeser les impacts comparés d’un avion qui fait s’effondrer des tours, et d’un tueur fanatique qui lance des raids contre des militaires et des enfants. N’en déplaise au président sortant, cela n’a pourtant tout simplement pas de sens de comparer 6 morts à plusieurs milliers. Le 11 septembre n’est ni pire, ni moindre que Toulouse et Montauban : il n’entre pas dans la même catégorie d’événements, ne serait-ce que parce qu’il était totalement inattendu et a ouvert une période – celle où nous vivons actuellement – où justement la menace du terrorisme fondamentaliste est une donnée structurelle de notre existence. Le 11 septembre marquait en quelque sorte un changement d’ère, la fin des années 90 et de leur prétendue « fin de l’histoire ». Montauban et Toulouse sont des drames tardifs de l’ère du 11 septembre. Des crimes odieux, mais d’un autre type.

 

Des crimes, effectivement, qui ont marqué les esprits, avec le soutien actif de certains médias (chaînes d’info en continu tout particulièrement) mais aussi de responsables politiques qui ont joué la carte de leur dramatisation. Pour autant, on peut être, là encore, moins affirmatif que Nicolas Sarkozy sur le « traumatisme profond » que cela a été pour le pays. Les différentes enquêtes d’opinion sorties cette semaine s’accordaient à affirmer que les horreurs des jours précédents n’avaient pas bouleversé l’ordre des priorités chez les Français : l’économique et le social, à quelques semaines de l’élection, restent au sommet de celles-ci. Cela n’est pas une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy, tant les mêmes études montrent avec constance que si son crédit reste supérieur (à tort) à celui de François Hollande sur les questions de sécurité, il en va de façon inverse sur le terrain de l’emploi et de l’économie. Qu’à cela ne tienne, le candidat de la droite va donc tout tenter pour revenir sur son terrain de prédilection, et cela passe par son arme favorite : la peur.

 

Semer la peur chez les Français, pour pouvoir se présenter en Grand Protecteur. On parle du président-croquemitaine, celui qui aime – chose récurrente et donc significative – plonger les enfants dans l’horreur, un jour en leur demandant de parrainer un enfant juif mort pendant la guerre, le lendemain en leur suggérant d’imaginer qu’ils auraient bien pu être parmi les victimes de Mohamed Merah. Semer la peur chez les enfants, et aussi chez leurs parents. Donc organiser des arrestations spectaculaires d’islamistes-à-Kalachnikov (dommage qu’elles n’aient pas eu lieu avant), employer la méthode Coué sur un « traumatisme profond » qui n’a peut-être pas eu lieu, et invoquer le spectre du 11 septembre pour faire passer ce message (de moins en moins) subliminal : nous sommes en guerre. Vous avez donc besoin d’un chef, celui que Hollande se refuserait à être (interview sur Europe 1 toujours, Sarkozy : Hollande « dit qu’il n’a pas l’intention d’être chef. Comme il est candidat pour être chef de l’État, c’est une déclaration assez curieuse »), besoin d’un homme à poigne, et pas d’un rassembleur trop consensuel.

 

On a souvent dit que l’équipe Sarkozy comptait s’inspirer du duel Bush-Kerry de 2004 (voir notamment ce billet de Julien Dray) pour ne pas perdre tout espoir de victoire. Avec cette évocation tombée de nulle part du 11 septembre, la stratégie devient plus transparente que jamais. Et peut-être un peu trop grosse pour être vraiment efficace.

 

Romain Pigenel

Vaincre la peur de gagner, croire en la victoire

La revanche tant attendue de 2007 et 2002 approche, mais l’inquiétude gagne insidieusement celles et ceux qui souhaitent la victoire de la gauche à l’élection présidentielle, et donc de François Hollande. Inquiétude nourrie par des éléments objectifs – l’omniprésence et le suractivisme de Nicolas Sarkozy, des ferments de division à gauche, une certaine fatigue de campagne – et par la couche de commentaires qui les enrobe – les sondages, et surtout la lecture et la scénarisation médiatique qui en sont faites. Et puis il y a le subjectif, qui pèse beaucoup, énormément.

Commençons par l’objectif. Dans les sondages, Nicolas Sarkozy monte, Jean-Luc Mélenchon monte, François Hollande s’érode. Au premier tour. Au deuxième tour, la situation reste remarquablement égale : Nicolas Sarkozy est donné systématiquement perdant et battu par François Hollande, comme depuis des mois. Tous les Patrick Buisson du monde peuvent bien échafauder tous les montages théoriques qu’ils veulent, une élection présidentielle se gagne au deuxième tour. Quant à la progression de Nicolas Sarkozy en elle-même, elle doit être lue pour ce qu’elle est : la conséquence de l’entrée en campagne du candidat sortant, et de son siphonage de toute la droite républicaine, de Nihous à Borloo. Qui pouvait sérieusement penser que le rapport de force, dans ces conditions, demeurerait tel qu’il était quand il n’y avait que François Hollande officiellement en lice ?

 

La stratégie de Nicolas Sarkozy a toujours été celle d’une campagne courte et tardive, pour produire un choc sondagier au premier tour et tenter de renverser ainsi le second tour. Sa rapide montée dans les sondages, sa campagne-express à un coup d’éclat par jour (conçue pour faire apparaître celles de ses concurrents comme longues et poussives), tout cela était prévisible et attendu. Sarkozy dévoile en deux mois ce que François Hollande construit depuis 6 mois. Tout ceci pour donner une impression d’explosivité et pour affoler un débat qui, autrement, ne laisserait aucune chance à l’homme au bilan calamiteux. C’est de guerre psychologique dont on parle, et celles et ceux, à gauche, qui aujourd’hui laissent la morosité les envahir sont tout simplement en train d’y succomber.

 

Retrouvons la mémoire. Le« trou d’air de François Hollande » est déjà un marronnier médiatique, qui a poussé une première fois au lendemain des primaires, avant de connaître une nouvelle floraison à la veille du Bourget. Toujours la même histoire, celle de la nécessité pour ceux qui commentent la campagne de lui (re)donner du lustre, de l’imprévu, du rebondissement – précisément ce qu’empêche cette donnée immuable de la défaite de Nicolas Sarkozy au deuxième tour. Il fallait que François Hollande ait des difficultés, dans tous les cas. Au « trou d’air » a ainsi succédé « l’usure ». Same old show. Une petite musique insidieuse qui finit malgré tout par saper le moral de troupes.

 

Venons-en enfin au totalement subjectif. Plus que la scrutation anxieuse des sondages, plus que la lecture angoissée des commentaires et de leur dramaturgie, il y a, je crois, un facteur psychologique qui pèse : une sorte de peur de gagner désormais bien enracinée à gauche. Trois élections présidentielles perdues d’affilées. Un ronron persistant, où l’on se satisfait finalement de la situation d’opposition, des razzias sur les élections intermédiaires, des rénovations et des reconstructions partidaires à n’en plus finir. Et puis, surtout, le poids du personnage Sarkozy. Au fil des années, il a au moins eu une très belle réussite : parvenir à créer le mythe de son invincibilité politique. Dans la détestation que lui voue la gauche se lit aussi, forcément, de la fascination, et donc l’idée de sa toute-puissance. Et donc, toujours, une forme de sentiment d’impuissance à son égard.

 

Ces facteurs, joints à la fatigue (pour les militants et sympathisants socialistes) d’une première campagne (les primaires), expliquent une bonne partie de la mauvaise passe que beaucoup ont le sentiment de traverser. Il faut s’en débarrasser, et retrouver l’envie de victoire sans laquelle rien n’est possible. Croire en la victoire. Cette envie, cette croyance qui explique aussi l’actuel succès de Jean-Luc Mélenchon. Hauts les cœurs !

 

Romain Pigenel

L’aveu de François Baroin : la droite défend les très riches (et pas les jeunes)

Patatras ! Alors que le torrent de l’indignation consensuelle se déversait tranquillement suite à l’annonce du versement par Publicis d’un bonus de 16 millions d’euros à Maurice Lévy, alors que la droite s’appliquait à coller au millimètre près aux critiques de la gauche contre les rémunérations indécentes (Valérie Pécresse : « Cette rémunération, elle paraît effectivement disproportionnée » ou encore Nicolas Sarkozy : « rémunérations faramineuses […] exorbitantes »), pour faire oublier un quinquennat marqué par le bouclier fiscal et l’envol des inégalités, voilà que le Ministre de l’Economie et des finances met les pieds dans le plat, avec force éclaboussures à la clé. Non, ce bonus n’est pas choquant ni anormal.

 

Maurice Lévy (qui, ironie du sort, défendait il y a un an la surtaxation des très riches) ? « Un immense capitaine d’industrie », dont le bonus « tombe mal, parce que l’opinion est chauffée à blanc et que nous sommes en pleine présidentielle ». Intéressant commentaire que voilà. Si ce bonus « tombe mal », c’est qu’il aurait pu bien tomber. Bien tomber : à un autre moment qu’à celui de la présidentielle, à un moment soit où personne n’aurait fait attention, soit où cette nouvelle n’aurait pas porté à conséquence, où on aurait pu la laisser filer en haussant les épaules, sans craindre de sanction électorale au bout du chemin. Mais justement, on est à un mois de l’élection, et ces ânes bâtés de Français sont « chauffés à blanc ». Pensez donc, on ne peut pas leur faire avaler n’importe quoi à ces bœufs que l’on gouverne, ils sont un peu moins abrutis que d’habitude, gare à la ruade de mécontentement ! Le lecteur attentif appréciera également le « et que nous sommes en pleine présidentielle » ; il complétera ainsi cette belle allusion : « même nous, à droite, nous sommes obligés de jouer un peu la comédie de la moralisation du capitalisme, à un mois près, ça passait comme à la parade, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour être réélu ! ».

 

On pourrait aussi méditer la formule « un immense capitaine d’industrie », comme si la problématique des rémunérations n’était pas une question de régulation sociale mais simplement de mérite individuel, comme si la superbe réussite économique de certains leur donnait toute licence pour s’enrichir en dehors de toutes normes et de tout contrôle. Mais il y a mieux encore. « Cela étant, Maurice Lévy, ce n’est pas un trader de 25 ans qui s’est en est mis plein les poches en spéculant sur la faillite des autres pour faire sa richesse à 30 ans ». On notera au passage l’étrange et bisounoursienne conception qu’a Baroin de l’économie libérale, puisque selon lui on ne devrait pas y tirer profit de la faillite d’un concurrent. Passons. C’est le commentaire sur l’âge qui est assez extraordinaire. Si je résume, autant il n’y a aucune limite à l’enrichissement personnel quand on a les tempes blanches ou grisonnantes, autant tout le poids de la morale retombe sur vos épaules si vous avez le malheur d’être jeune, d’avoir « 25 » ou « 30 » ans. A 60 ans, qu’importe votre passif : tout est permis ! Mais l’argent précoce, ça, c’est très mal.

 

Rendons hommage à l’honnête Monsieur Baroin. Là où ses amis finassent, mentent, travestissent, lui ne sait dire autre chose que la vérité profonde de sa famille politique. Celui qui a beaucoup mérité a droit à beaucoup d’argent, en dehors de toute considération de bien commun ou de cohésion sociale. Mais attention, il n’a ce droit que s’il peut justifier d’un âge équivalent à celui du public des meetings de Nicolas Sarkozy. La droite libérale et conservatrice, dure avec les jeunes, douce avec les très riches. Celle qui n’aime pas la taxation à 75%. Celle qui compte sur notre crédulité collective pour protéger, 5 ans de plus, ses amis.

 

Romain Pigenel

[DEPECHE] Nicolas Sarkozy et la « méprisance » : une erreur pédagogique à destination des immigrés

NANTES. Le discours à Nantes, mardi 27 mars, de Nicolas Sarkozy continue de faire parler de lui pour l’emploi d’un terme inconnu des meilleurs dictionnaires – la « méprisance » – mot utilisé par le candidat du peuple pour critiquer le mépris de certaines élites.

 

Dès la fin du meeting, les observateurs se perdaient en conjectures pour interpréter la fantaisie lexicale du président sortant. Néologisme volontaire ? Barbarisme ? Emprunt à l’ancien français ? L’entourage de Nicolas Sarkozy, joint par téléphone, dément formellement. « Le candidat du peuple a autre chose à faire qu’à inventer de nouveaux mots, il laisse ça au système parisiano-bobo qui soutient le candidat des riches, François Hollande. ». Exit donc l’hypothèse d’un néologisme, de même que celle du vieux français : « le candidat de la rupture laisse les vieilles lunes des siècles passés au candidat de l’archéo-marxisme, François Hollande ».

 

C’est bien d’une faute de français qu’il s’agit, confirme notre interlocuteur, mais d’une faute volontaire et pédagogique, à l’usage des immigrés « et de ceux qui les défendent ». Dans son discours, Nicolas Sarkozy a en effet annoncé de nouvelles conditions au regroupement familial. « Il y aura désormais un examen de français […] avant l’entrée sur le territoire ».

(à 19 minutes)

L’usage du terme « méprisance » visait à illustrer l’utilité de cette mesure, selon notre source : « Nicolas Sarkozy, le candidat de la France Forte, a habilement utilisé cette faute de français pour faire comprendre », aux immigrés susceptibles d’écouter son discours, et à ceux qui les soutiennent, « combien il est désagréable d’être confronté à un interlocuteur qui maîtrise mal la langue nationale ».

« Vos oreilles ont souffert en entendant la méprisance, mais c’est simplement ce qu’endurent quotidiennement nombre de nos compatriotes qui se lèvent tôt », quand ils sont confrontés dans leur vie de tous les jours « à des immigrés mal intégrés, d’apparence musulmane ou non, qui ne font pas l’effort de parler correctement notre langue ». Le président sortant l’aurait d’ailleurs confirmé en privé : « les wéwé, les sisi, c’est fini ».

 

Un président qui n’hésiterait d’ailleurs pas, dans les prochains jours, « à dégrader encore un peu plus son langage » pour continuer à sensibiliser les électeurs sur l’importance d’une bonne maîtrise du français : on pourrait donc s’attendre à d’autres « fautes de langue ». Un de ses proches en appelle au bon sens et à la cohérence : « Vous n’auriez pas élu un président qui parle aussi mal : pourquoi accepteriez-vous la même chose de la part de candidats à l’immigration ? ».

 

Un raisonnement implacable qui risque de perturber un peu plus encore ses concurrents.

 

Romain Pigenel, pour l’Agence de presse Variae

Sarkozy et le chômage : 5 ans de hausse, 5 ans de bluff et de langue de bois

Lundi matin, le plan médias du candidat sortant a connu son lot d’anicroches sur France Info. S’emmêlant les pieds sur « l’apparence musulmane », il a également déployé des trésors de rhétorique pour travestir l’incontestable hausse du chômage, présentée comme une augmentation en baisse. Cette astuce langagière, qui n’a trompé personne, s’inscrit dans la longue et tortueuse relation de Nicolas Sarkozy au chômage, qui depuis 2007 tient une place toute particulière dans son discours. Retour sur 5 ans de mots pour parler du chômage, 5 ans d’échec, et autant de tons et de registres.

BLUFFEUR

Avril 2007 : le candidat Sarkozy, en pleine bourre, s’enivre de ses propres slogans : ensemble, tout devient possible. 5% de chômage au bout de 5 ans ? Rien de plus facile, d’ailleurs, si je n’y arrive pas, je demande aux électeurs de me sanctionner ! « Je veux m’engager, par exemple, sur le plein emploi : 5% de chômeurs à la fin de mon quinquennat. Et pour ce travail, on ne nous demande pas une obligation de moyens, on nous demande une obligation de résultats. [...] Si on s’engage sur 5% de chômeurs et qu’à l’arrivée il y en a 10%, c’est qu’il y a un problème ! […] [Si je n’y arrive pas] je dis aux Français ‘c’est un échec et j’ai échoué’ ! Et c’est aux Français d’en tirer les conséquences. »

SOLENNEL

Mai 2008 : depuis qu’il est arrivé à l’Élysée, Nicolas Sarkozy bénéficie de bons chiffres de l’emploi – avant même qu’il ne mette en œuvre sa propre politique, d’ailleurs – chiffres qui finissent par donner des ailes et une certaine euphorie au jeune président en visite à Rungis. « Mon objectif, c’est le plein emploi, c’est pas de gérer le chômage », qui d’ailleurs « va continuer à baisser, on est à 7,5 % ». Pas de chance : en juin, avant même le début de la crise économique qui servira ensuite d’excuse récurrente, les chômeurs de catégorie A voient à nouveau leur nombre augmenter.

(à 0:45)

 

COMPARATIF

2009, la crise est là, financière puis économique. Pris au piège de ses propres rodomontades, Nicolas Sarkozy inaugure ce qui va devenir une de ses grandes ficelles rhétoriques multi-usages : certes, en France, ça va mal, mais ailleurs, c’est encore pire. « L’activité en France a reculé moins qu’ailleurs et elle s’est remise à croître dès le deuxième trimestre de cette année. Nous avons moins détruit d’emplois et notre chômage a moins augmenté », prêche-t-il ainsi en septembre 2009 à La Seyne-sur-Mer. Un peu avant, Christine Lagarde a inauguré l’ancêtre de la « baisse tendancielle de la hausse » : « la dégradation de l’emploi a ralenti significativement depuis le début de l’année ».

 

PROPHETIQUE (et toc)

Janvier 2010, Nicolas Sarkozy tente de renouer avec la magie de 2007 en se confrontant aux « Français » pendant une une longue émission sur TF1. Du coup, il se reprend au jeu des prédictions hasardeuses, édictées du haut de son autorité présidentielle : « Vous verrez que le chômage va commencer à reculer dès cette année ». Pas de chance, François Fillon, puis les statistiques officielles (10% de chômage en mars), viennent à nouveau lui offrir un cinglant démenti.

 

PROPHETIQUE (le retour de la vengeance)

Les faibles succès, jusque là, de ses tentatives de reconversion dans la voyance télévisée ne semblent pas dissuader le président de persévérer dans cette voie, d’une manière qui ressemble de plus en plus à la méthode Coué : en septembre 2010, face au trio Chazal – Pujadas – Denisot, il remet le couvert. « Le chômage reculera l’année prochaine, l’économie repart, est en train de repartir, on peut s’en sortir ». Fin 2011, on sort la calculette : 2,7 millions de chômeurs en France métropolitaine, contre 2 millions fin 2007. Caramba, encore raté !

(à 32 minutes)

 

BARATINEUR

Quand on a tout tenté, il ne reste plus que la prestidigitation linguistique. Le promoteur de la France Forte enchaîne oxymores et euphémismes avec la grâce d’un danseur sur glace : « Les chiffres de ce soir manifesteront une amélioration de la situation, avec une baisse tendancielle de l’augmentation du nombre de chômeurs, cette augmentation sera assez modérée ». Bref, ça descend, même si ça monte, mais pas beaucoup. Toute comparaison avec la popularité de l’intéressé serait bien entendu purement fortuite, et très peu fairplay.

Romain Pigenel

[VIE PRATIQUE] Comment reconnaître le Musulman d’apparence ? #musulmandapparence

Invité de France Info ce matin, Nicolas Sarkozy a fait une nouvelle fois preuve de sa supériorité, en expliquant (au sujet des meurtres de Mohamed Merah) qu’il était capable de repérer des Musulmans à leur seule apparence. « Je rappelle que deux de nos soldats étaient, comment dire, musulmans, en tout cas d’apparence », a-t-il ainsi déclaré, provoquant l’admiration étonnée des auditeurs. J’observe, depuis, un certain découragement s’installer sur le web. Sarkozy est vraiment trop fort, il n’est pas de notre monde, personne ne pourra jamais être aussi fort que lui pour détecter des Musulmans. Erreur !

Comme toutes choses, c’est un art qui s’apprend, et, fidèle à sa vocation de service public, Variae met aujourd’hui à votre disposition un petit test simple  (et approuvé par les plus hautes autorités élyséennes) vous permettant de faire vos premiers pas dans ce domaine. Il vous suffit, en cas de rencontre avec des individus susceptibles de musulmanisme, de le dégainer et de répondre dans l’ordre à ses questions, en notant bien les points obtenus. C’est parti !

Premier contact visuel. Vous avez affaire à …

- Un individu seul (0 point)

- Un groupe d’individus mixte (0 point)

- Un homme et plusieurs femmes (1 point)

 

S’il y a un ou des hommes, il est plutôt …

- Imberbe ou rasé (-1 point)

- Avec une crête de coq, une coiffure brosse, une mèche, ou des cheveux longs (0 points)

- Barbu (1 point)

 

Avec pour habits …

- Un costume de bureau passe-partout (0 points)

- Un t-shirt « OM » ou avec le drapeau algérien (1 point)

- Une djellaba et des babouches (2 points)

 

Quant aux femmes, elles sont …

- A moitié dénudées (-1 point)

- Avec un voile sur les cheveux (1 point)

- Je ne sais pas, je n’arrive pas à voir leur visage derrière la grille (5 points)

 

Vous diffusez une cassette de chant de muezzin, que vous vous êtes procurée dans une cave. Aussitôt …

- Ils appellent la police (-1 point)

- Ils entament une danse du ventre pataude qui a dû faire fureur au Réveillon (0 point)

- Ils se jettent au sol, déroulant un tapis de prière, même si on est en pleine rue (2 points)

 

Vous les invitez au restaurant pour faire connaissance. Leur choix ?

- « Chez Gaston, le roi du cochon » (- 2 points)

- « A la Mer Noire, döner kebab et couscous boulettes » (1 point)

- Un Quick halal (3 points)

 

Au fait, ils habitent où ?

- Avenue Charles de Gaulle, en plein centre-ville (- 1 point)

- Dans un pavillon près de la ZAC Auchan-Buffalo Grill-La Halle aux Chaussures (0 point)

- Dans un logement social du quartier « Les coquelicots » (2 points)

 

Pour les prochaines vacances, ils envisagent …

- Un tour en Israël (- 5 points)

- D’aller voir leur famille, en prenant un bateau à Marseille (1 point)

- Un camp de vacances au Pakistan (5 points)

 

Pour finir, rapprochez-vous et inspectez la couleur de leur peau. Sur un score de 1 (blanc craie) à 10 (noir charbon), vous les situez …

- Entre 1 et 3 (0 points)

- Entre 3 et 7 (2 points)

- Entre 7 et 10 (1 point)

 

C’est le moment de faire les comptes ! Reprenez toutes vos réponses et faites la somme des points obtenus.

 

0 points et moins. L’apparence de vos nouveaux amis ne permet pas de trancher sur leur musulmanité. Cela dit, il faut prendre garde aux clichés : peut-être s’agit-il de Musulmans atypiques, ou de Musulmans qui se cachent. La prudence s’impose.

 

Entre 0 et 5 points. Vous avez de bonnes raisons de penser que l’apparence de vos interlocuteurs est musulmane. Pour vous en assurer, interrogez-les sur des sujets qui sont censés leur tenir à cœur, comme leurs pays d’origine, l’Arabie ou la Musulmanie.

 

Plus de 5 points. Pas de doute, c’est une apparence musulmane de première qualité. Félicitations !

 

Romain Pigenel

Toulouse, Mohamed Merah : Luc Chatel remet une pièce dans le jukebox

BREAKING NEWS : 0,00012 % des enseignants français ont dérapé quant à la minute de silence requise dans les écoles à la mémoire de Toulouse et Montauban. On apprenait vendredi matin dans Paris-Normandie qu’une professeure d’anglais de  Rouen, visiblement quelque peu surmenée, avait demandé à ses élèves d’honorer le souvenir de Mohamed Merah en lieu et place de celui de ses victimes, sur fond de délire complotiste. Un « pétage de plomb » immédiatement condamné par la hiérarchie de l’enseignante, qui a du reste, à en croire les témoignages, elle-même pris conscience de la gravité de son acte (« Elle a dit qu’elle n’allait pas bien et qu’elle allait peut-être prendre des congés »). J’imagine que de temps à autres d’autres dérapages de ce genre surviennent au sein du corps professoral. Sur 852 000 enseignants en France, c’est statistiquement peu étonnant – voire prévisible. J’imagine également que les sphères dirigeantes de l’Education Nationale, qui supervisent d’en-haut ces centaines de milliers de professeurs, ont suffisamment de bon sens pour faire la part des choses entre un cas isolé et un phénomène de masse, et ne pas pousser des cris d’orfraie au premier incident venu.

J’aimerais alors que l’on me donne une explication rationnelle au communiqué de Luc Chatel, ministre de l’Education Nationale et sarkozyste de choc (l’ordre inverse serait d’ailleurs peut-être plus approprié), communiqué repris par l’AFP puis par la presse en ligne, Figaro en tête. « Luc Chatel […] exprime son indignation devant l’initiative d’un professeur d’un lycée de Rouen qui a demandé à ses élèves de respecter une minute de silence en la mémoire du terroriste Mohamed Merah. Il condamne sans réserve ce comportement inqualifiable et précise qu’il a demandé au recteur de l’académie de Rouen de suspendre immédiatement le professeur de ses fonctions et d’engager une procédure disciplinaire à son encontre. Le ministre tient à rappeler que cet acte isolé ne saurait occulter la dignité dont a fait preuve l’institution scolaire dans son ensemble tout au long de la semaine : en honorant la mémoire des victimes du tueur de Toulouse, elle a su réaffirmer les valeurs qui fondent notre République et que les professeurs ont pour mission de transmettre à leurs élèves. ».

 

Cher Monsieur le Ministre, si vous faites un communiqué de presse à chaque fois que vous faites faire leur travail à vos services – en l’occurrence, sanctionner une faute professionnelle – on n’en a pas fini. De même, il est probablement superfétatoire d’expliquer que le cas de cette enseignante est isolé : sauf erreur de ma part, les standards des radios n’ont pas été submergés aujourd’hui d’appels de parents épouvantés, déclarant que leurs enfants avaient été appelés au jihad par leur prof. Enfin et plus globalement, il ne me semblait pas que votre fonction consistait à « s’indigner » de dysfonctionnements inqualifiables de votre ministère, mais plutôt à y remédier le plus efficacement possible.

 

Surgit aussitôt, dans mon esprit sans doute pervers, une question : aurait-on autant parlé de ce pétage de plombs individuel, sans votre communiqué (20minutes.fr disant clairement que c’est ce dernier qui a, je cite, donné l’alerte) ? Cette histoire – insignifiante de par son caractère pour le moment exceptionnel – aurait-elle, sans votre soutien médiatique, dépassé les colonnes de la presse locale, pour devenir un sujet national ? Dans un moment de tension nationale comme celui que nous traversons, ne faut-il pas peser avec la plus grande prudence les conséquences possibles de ses paroles et de ses actes, quand on est un homme politique très exposé et suivi ? Et donc tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de monter en épingle des faits divers susceptibles d’être sur-interprétés et de nourrir les angoisses collectives ?

 

Peut-être avez-vous simplement perdu votre sang-froid, sous l’émotion des drames récents. Mais il y a aussi une autre possibilité.

 

Que vous, comme d’autres – ceux, pour faire bref, qui souhaitent la réélection de Nicolas Sarkozy – ayez désormais délibérément décidé d’entretenir le climat de peur et d’angoisse qui a commencé à s’installer en France avec l’affaire Merah.

 

En faisant ce calcul simple, que Nicolas Sarkozy a besoin de ce climat pour faire oublier ses turpitudes et ses échecs, et pour faire jouer au maximum son aura d’homme à poigne. Que Nicolas Sarkozy a une chance de rattraper son rival socialiste si les problématiques de sécurité et d’immigration sont au centre du débat présidentiel, à la place des questions économiques et sociales pour lesquelles il a perdu toute crédibilité.

 

Et pour faire perdurer cette configuration médiatico-politique qui est sans aucun doute plus favorable à votre candidat que les manifestations d’ouvriers trahis devant son QG de campagne, il y a une méthode simple, que j’appellerai « remettre une pièce dans le juke-box » : relancer par tous les moyens (et autant de fois que possible) l’affaire Merah, la faire vivre, perdurer, la faire prospérer avec d’autres débats spécieux, comme celui sur ces mesures anti-terroristes que François Fillon voudrait imposer à la gauche avant l’élection.

 

Si mon hypothèse est juste, nous devrions voir dans les prochains jours d’autres responsables politiques de l’UMP, tour à tour, procéder comme vous, pour essayer de construire l’image d’une France assiégée, de l’intérieur comme de l’extérieur, par des dangers dont seul Nicolas Sarkozy pourrait triompher.

 

La manœuvre serait, et est déjà, un peu grosse. Mais les cinq dernières années nous laissent peu de doute quant à votre culot en la matière.

 

Romain Pigenel

Logements sociaux, salles de bains : la droite prépare de nouvelles mesures contre le terrorisme

PARIS, FRANCE. Suite au dénouement du siège de l’appartement de Mohamed Merah, Nicolas Sarkozy n’a pas tardé à annoncer de nouvelles mesures créatives et néanmoins réalistes pour renforcer la lutte contre le terrorisme. Apologie du terrorisme, consultation régulière de sites terroristes sur Internet, départ à l’étranger pour s’y faire endoctriner et laver le cerveau … autant d’habitudes trop répandues dans notre population qui seront désormais pénalement répréhensibles.

Agents immobiliers en cours de déploiement

Mais selon nos informations, ces annonces ne seraient que les prémisses de ce qui pourrait devenir une grande loi-cadre de lutte contre le terrorisme en cas de réélection de Nicolas Sarkozy, une sorte de « patriot act » à la française. « Il faut être capable de tirer tous les enseignements de ces dernières heures », nous confie-t-on dans l’entourage du candidat. « Les bonnes questions doivent être posées : Merah aurait-il pu se réfugier dans un appartement s’il n’en avait pas eu ? On ne peut pas combattre le terrorisme sans s’attaquer à son versant immobilier ».

 

Les équipes d’experts du candidat sortant se seraient déjà mises à plancher sur des « propositions innovantes » pour « adresser cette problématique » et frapper « là où ça fait mal » : ainsi, les dossiers de crédit immobilier déposés par des terroristes « seront désormais examinés avec la plus grande sévérité », et des dépôts de caution « exceptionnels, voire confiscatoires » seront exigés pour « freiner leur accession à la location ». Sans parler de leurs demandes de logements sociaux, qui seront désormais « systématiquement mises sous la pile ». L’accession à la propriété ne sera pas laissée de côté, avec la création d’une taxe spéciale sur les transactions notariales et immobilières des terroristes, taxe qui sera « intégralement reversée à la DCRI pour permettre de financer des heures supplémentaires à ses agents ». Des mesures, en somme, de guerre psychologique : « un terroriste ne doit plus pouvoir croire qu’il va emménager en toute tranquillité ».

 

Plus audacieux encore, un droit de regard sur l’architecture des appartements et maisons de terroristes pourrait également être institué. « Sans salle de bain pour s’y réfugier, le terroriste perd une grande partie de sa capacité de nuisance », analyse Hans-Dieter Del Agusto, criminologue émérite à l’Institut Anatomique du Kamchatka. D’où l’idée d’un « bathroom act » interdisant formellement à un terroriste faisant construire sa maison d’y introduire une salle de bain. Dans le cas d’un domicile acquis et déjà doté de cette pièce, sa reconversion serait obligatoire. « Contrairement aux lamentations habituelles des terroristes, ils peuvent très bien trouver un autre usage à la pièce ainsi vidée de sa baignoire ou de sa douche, par exemple comme lieu de stockage de matériel ». Pour les y inciter « et allier la carotte au bâton », un crédit d’impôt pourrait leur être accordé s’ils acceptaient eux-mêmes de démonter leur salle de bain.

 

Face à cette créativité législative sans bornes, les socialistes vont avoir fort à faire pour éviter les accusations d’attentisme et de laxisme.

 

Romain Pigenel, pour l’Agence de Presse Variae