Skip to content

Sarkozy, Lauvergeon, Hollande, « racailles » et « politicaille »

Le mot n’est pas courant et il marque d’autant plus. Répondant aux accusations d’Anne Lauvergeon sur le système de copains et de coquins qu’il aurait mis en place dans la filière nucléaire française, Nicolas Sarkozy l’accuse de politicaille. « Franchement Anne Lauvergeon qui voulait rester à tout prix présidente d’AREVA ne devait pas être gênée par le système qu’elle dénonce maintenant, puisque ce qui rend moins crédible ce que dit Anne Lauvergeon, c’est qu’elle a attendu d’être mise dehors pour contester un système dont elle voulait continuer à participer au premier rang comme présidente d’AREVA. Elle est par ailleurs aujourd’hui la présidente de Libération, dont on connait l’engagement à gauche, tout ça c’est de la politicaille ».

Ce terme, défini par le dictionnaire comme la « politique envisagée sous un angle déprécié ou méprisable », n’apparaît pas pour la première fois dans la bouche de Nicolas Sarkozy. Ce dernier l’avait déjà employé lors de son déplacement à Fessenheim, plus tôt dans la campagne, pour critiquer devant les ouvriers le choix du PS et des Verts de fermer la centrale. « Pourquoi ils veulent la fermer ? Pour faire plaisir, pour la politicaille, ils n’ont même pas réfléchi ». Comprendre : pour la démagogie, et/ou pour sceller un accord électoral entre eux, au mépris de l’intérêt général.

D’un –aille à l’autre : en 2005, le presque candidat Sarkozy promettait à Argenteuil de « débarrasser » la ville de ses « racailles ». Aujourd’hui, président sortant et déclinant, il accuse ses adversaires et ceux qui contestent sa politique de relever de la « politicaille ». Le mot peut d’ailleurs être compris dans plusieurs sens, à la fois comme une critique de ce qui serait une tambouille politique intéressée et électoraliste, mais aussi comme un substantif désobligeant pour le personnel politique – la « politicaille », une sorte de racaille politique, un ramassis de personnages malfaisants qui trompent les Français.

La manœuvre sémantique poursuit sans doute plusieurs objectifs. Premièrement, retourner à l’envoyeur les accusations de malhonnêteté et de démagogie populiste dont Sarkozy est de plus en plus accablé, dans une démarche proche de « l’inversion victimaire » qui voit le président et ses proches systématiquement se poser en victimes quand ils sont, en fait, fautifs. Deuxièmement, « faire peuple ». Pour Nicolas Sarkozy, la mise en scène de sa proximité avec la population passe depuis longtemps par l’utilisation d’un langage volontairement dégradé, avec cette idée, au fond foncièrement prolophobe, qu’un ouvrier attend qu’on lui parle mal et dans une langue douteuse. Troisièmement, se situer dans le registre du candidat en marge de la classe politique, du « système », de l’establishment comme disait Jean-Marie Le Pen. C’est le double du sens du concept de « candidat du peuple » : un candidat comme le peuple (il parle mal), et un candidat par et pour le peuple (contre les élites). Il y aurait d’un côté la compromission des hommes et femmes de pouvoir et d’argent (Anne Lauvergeon), contrôlant les médias (Libération), la compromission des partis magouilleurs (le PS et EELV), et de l’autre l’homme libre qui se dresse contre eux (Nicolas Sarkozy).

 

7 ans, disais-je, entre la racaille et la politicaille. Si le premier terme était le symbole d’un Sarkozy en pleine ascension bousculant les codes politiques, le second est plutôt le stigmate d’une fin de règne chaotique, s’agrippant aux ficelles de la rhétorique poujadiste et réactionnaire.

 

Romain Pigenel

 

Tous les mots de la politique : ici.

[EXCLUSIF] Retranscription de la visio-conférence Sarkozy – Obama

La campagne présidentielle 2012 réserve de très belles surprises : Nicolas Sarkozy a ainsi, ce jour, ouvert exceptionnellement une de ses habituelles et régulières visio-conférences avec Barack Obama à la presse, pour montrer la réalité de son travail quotidien de co-maître du monde. L’Agence de Presse Variae a eu la chance d’assister à l’ensemble de ce moment rare, et vous en livre ici la retranscription en exclusivité.

 

Nicolas Sarkozy – Hey Barack ! How do you do !

Barack Obama – Hi Nicolas. I hope you have something really important to tell.

NS – Yes, yes, my friend Barack, off course ! Alors donc là, il me dit qu’il est vraiment très heureux d’avoir la chance de me parler, ce n’est pas tous les jours qu’on peut parler au grand président de la France. Hi Barack !

BO – Your assistant gave no clear reason for your call. What’s going on ? A terrorist attack ? Nuclear hazard ?

NS – Well well well, please wait a minute, I have to translate what you’re saying for the journalists, you know, the French journalists. Donc mon ami Barack me dit de vous dire que vous avez vraiment de la chance d’avoir un président d’une telle dimension …

BO – What the hell is going on ?

NS –  … il se demande comment il ferait pour diriger le monde si je n’étais pas là pour l’épauler …

BO – Is this a joke ?

NS – … et donc enfin vous voyez, pour la bonne marche du monde, m’sieurs-dames les journalistes, il faut vraiment me réélire

BO – I think we have a big translation problem. It makes no sense.

NS – … et d’ailleurs c’est justement ce que pense la majorité silencieuse en France. Il est fort mon ami Barack, hein ?

BO – Is it really Nicolas Sarkozy ? Johnson, I fear we have been hacked. Fucking Anonymous. Call the NSA. Now !

NS – Alors là Barack il fait très fort, il demande à son équipe de nous acheter 1000 avions Rafale pour son armée, et de réfléchir à un “Buy French Act”…

BO – OK, shut it down. That’s enough.

NS – Et là il faut qu’il y aille justement, pour signer le chèque, vous savez, les choses se font vite en Amérique, y a pas les corps intermédiaires qui bloquent. Have a nice day my dear Barack ! We win together, hein ! YOU … AND ME !

BO – BIP, BIP, BIP, BIP, BIP …

 

Retranscription par Romain Pigenel pour l’Agence de Presse Variae

François Fillon, vous êtes l’allié des spéculateurs

François Fillon, cher futur-ex-Premier Ministre,

 

Vous êtes considéré dans votre famille politique comme un individu sérieux, de ceux dont on dit qu’ils ont la trempe d’un Homme d’Etat. Je me contenterai ici de juger vos actes et vos propos.

 

Vous avez mardi soir, lors d’un meeting, mis en œuvre devant des soutiens de votre candidat une version post-crise-financière de l’argument des chars russes contre la gauche et François Hollande : « Nous avons réussi à stopper [la] spéculation car nous avons pris les mesures nécessaires [en mettant en place une politique de rigueur] […] Si jamais demain, au lendemain du 6 mai, la France remettait en cause cet engagement, si la France disait ‘non, je prendrai un jour de plus ou je le ferai que s’il y a de la croissance’, à cette minute-là la spéculation contre la monnaie européenne reprendrait de plus belle, sauf qu’il n’y aurait plus personne pour l’empêcher ».

 

Vous avez, très simplement, posé cette équation qui n’est rien d’autre qu’un chantage, un pistolet financier sur la tempe des électeurs : si les Français exerçant leur liberté de choix démocratique élisent François Hollande, si les Français rompent avec la politique économique de Nicolas Sarkozy, alors l’euro s’effondrera, et la France avec lui.

 

Vous avez délibérément manié l’arme de la prophétie qui, en matière financière et spéculative, risque toujours d’être auto-réalisatrice. Dire que l’élection de François Hollande entraînera mécaniquement la spéculation, c’est par avance saborder le bateau France que vous vous apprêtez déjà à transmettre en bien triste état à l’opposition ; c’est, déjà, entamer la confiance en la capacité de la France à faire face à la crise. C’est donc jouer sciemment le jeu des spéculateurs.

 

Est-ce là un acte digne de l’Homme d’Etat que vous passez pour être ?

 

Est-ce là, surtout, un acte en cohérence avec la position que vous aviez (et le comportement que vous appeliez de vos vœux de la part de l’opposition) dans un lointain passé, il y a … trois mois ?

 

Souvenez-vous. Alors que la France perdait sa notation « triple A » au sortir de dix ans de pouvoir de la droite, vous refusiez alors à l’opposition tout droit d’inventaire. Que n’avons-nous pas entendu ! Faut-il vous rappeler les propos de Jérôme Chartier, secrétaire général de votre parti : « L’opposition s’est précipitée pour commenter cette information et l’utiliser de manière politicienne et honteuse […]. Il y a une certaine indécence à se réjouir de cette information alors que l’Europe toute entière traverse une crise sans précédent. L’UMP appelle l’opposition à plus de retenue et de responsabilité dans ses commentaires » ? Faut-il vous rappeler vos propre propos, quand en séance à l’Assemblée Nationale, vous appeliez la gauche à ne pas « se jeter avec gourmandise » sur la crise, quand vous marteliez : « Notre pays a [...] besoin d’unité nationale. Nous ne demandons pas à l’opposition d’approuver nos choix et notre bilan, nous lui demandons simplement de ne pas aggraver les difficultés de notre pays » ?

 

Vous feriez bien, Monsieur Fillon, cher futur-ex-Premier Ministre, de recouvrer votre sang-froid, vos esprits, et de vous appliquer à vous-même vos appels à l’unité nationale. Persister dans le chantage et le sabotage nous apprendra deux choses de vous : que vous êtes l’homme d’un parti, plutôt que de votre pays ; et que vous êtes devenu, concrètement, l’allié objectif des spéculateurs.

 

Romain Pigenel

Cohabitation, piège à con (voter Hollande, la solution)

Christophe Barbier a parfois des allures d’honorable correspondant de l’Elysée : suivre ses interventions donne de précieuses indications sur la stratégie et les éléments de langage sarkoziens. Il y a quelques jours, le 29 mars dernier, mon attention était ainsi attirée par la conclusion de sa chronique consacrée à la présidentielle dans la matinale d’iTélé. « Hollande est fatigué, Hollande est atone, Hollande est immobile, il n’est plus maître de sa campagne et la France de gauche doute. Elle se dit, ce type n’est pas capable vraiment d’être président, on ne va peut-être pas en refaire un président, mais si on choisit de laisser repasser Sarkozy, ce n’est pas pour avoir une politique de droite dans notre pays, nous tenterons la cohabitation, la gauche est en train de se dire, Sarkozy réélu président, ce n’est pas forcément grave si aux législatives on donne une majorité à la gauche pour l’économique et le social ». Je passe sur les qualificatifs attribués à François Hollande, sur « on » ne sait quelle base. Plus intéressant est le développement sur le désir de la « France de gauche », une France qui, non contente de reprendre les éléments de langage présidentiels (Hollande « pas capable » d’être président), aurait déjà théorisé la possibilité d’une cohabitation.

Malgré tout l’immense respect que je voue à Christophe Barbier, j’avoue avoir quelques doutes sur sa capacité à entendre la pensée profonde de la « France de gauche », et je me demandai donc immédiatement, en l’écoutant sur iTélé, qui avait bien pu lui glisser à l’oreille cette curieuse défense de la cohabitation. Tout venant à point à qui sait attendre, j’ai eu aujourd’hui la réponse à ma question avec un article d’Arnaud Leparmentier dans Le Monde, relatant la visite « discrète » (et partagée, maintenant, par les quelques lecteurs du Monde.fr, une broutille) d’Alain Marleix à l’Elysée, le 30 mars dernier, pour « alerter » Nicolas Sarkozy sur le risque d’une cohabitation avec la gauche s’il était réélu président.

 

Admirons cette superbe manœuvre d’enfumage médiatique (reprise largement suite au Monde : Slate, France Télévisions, Europe 1 …) réalisée avec le soutien involontaire du journaliste suivant l’Elysée pour le quotidien du soir. Manœuvre dont il faudra très attentivement surveiller les possibles répliques (au sens sismique du terme) dans les prochains jours.

 

Premier effet recherché (très clairement révélé par Barbier) : décomplexer les électeurs de gauche sur un éparpillement de leurs votes au premier tour de la présidentielle, et un non-report de ceux-ci, au second tour, sur le candidat de leur camp. En l’état actuel des choses, Sarkozy se heurte au second tour à un mur qui s’appelle l’antisarkozysme et qui se traduit par ces sondages qui ne descendent jamais en dessous d’un 53-47 en faveur de François Hollande. L’antisarkozysme crispe et dramatise l’élection sur un objectif partagé par un large éventail de Français : en finir avec l’Etat-UMP, quel que soit le nouveau président. La théorie de la cohabitation fait baisser la tension sur la présidentielle : « de toute façon, vous pourrez rendre Sarkozy impuissant en élisant une chambre de gauche aux législatives, alors votez en avril et en mai pour votre candidat préféré, défoulez-vous, et abstenez-vous de vous reporter sur le meilleur candidat anti-Sarkozy ». Voire abstenez-vous tout court.

 

Deuxième effet recherché, semer la zizanie à gauche – c’est l’effet logique du double affaiblissement du vote utile, au premier tour, et du désistement républicain, au second tour – et même au sein du PS. Car l’hypothèse de la cohabitation introduit la question du premier ministre : Hollande, Aubry ? Ou comment tenter par la bande de raviver les rancœurs passées des lointaines primaires.

 

Troisième effet enfin, mener la guerre psychologique contre la gauche. Echafauder des plans sur une cohabitation, c’est supposer que Sarkozy est réélu, scénario qui n’est accrédité par aucune étude à ce jour. C’est, par une sorte de méthode Coué, combattre l’image de perdant systématique qui est actuellement celle du candidat sortant. Et remobiliser les électeurs de droite assommés par les sondages.

 

La théorie de la cohabitation est donc un ballon d’essai très tactique, à ranger entre les louanges systématiques de l’UMP à l’égard de Mélenchon, et les commentaires à destination des centristes sur un Bayrou premier-ministrable pour Sarkozy. Mais revenons, pour finir, au fond de l’argument.

 

Cet espoir agité d’une cohabitation parlementaire après une défaite à la présidentielle (une chance au grattage, une chance au tirage) est un leurre total. Jamais dans notre histoire récente n’avons-nous vu d’Assemblée nationale être élue dans un sens inverse de l’élection présidentielle. Cette dernière est un événement politique hautement structurant pour notre pays, un événement qui détermine fortement la suite des événements. En outre, dans le cas précis de ce scrutin 2012, le choc d’une réélection de Nicolas Sarkozy, après la tension des derniers mois, démoraliserait et démobiliserait gravement la gauche. Sans même parler de sa désorganisation : Hollande et Mélenchon battus, aucun ne serait totalement légitime pour rassembler son camp, et le risque d’un départ à la bataille en ordre dispersé serait plus élevé (et grave) que jamais.

 

Faisons donc simple. Toutes les manipulations de spin doctors et de porte-paroles camouflés de Sarkozy (Alain Minc s’exprimait déjà sur cette cohabitation en janvier, c’est dire) ne pourront rien contre cette évidence : pour changer de politique en France, il faut changer de chef d’Etat, et pour changer de chef d’Etat, voter massivement, dès le premier tour, pour le seul candidat de gauche capable de rassembler une majorité de Français contre Nicolas Sarkozy. J’ai nommé François Hollande.

 

Romain Pigenel

Les images de nos soldats détournées pour la campagne Sarkozy

Ce week-end, un collègue blogueur m’a transmis le mail d’appel à l’action envoyé pour Pâques par le site de campagne de Nicolas Sarkozy à ses abonnés – une « mission » pour reprendre la phraséologie locale – au titre pour le moins étonnant : « Diffusez cette vidéo d’hommage à nos soldats ».

Après une citation martiale du président sortant (« Il n’y a pas un seul combat qui soit supérieur à celui qu’on mène pour son pays ») et une courte présentation ne lésinant pas sur le pathos (en 5 lignes : « péril de leur vie », « grandes douleurs », « payer du prix de leur vie », « héros morts »), nous sommes invités à « diffuser massivement » sur Internet cette vidéo d’un « jeune militant ». Je l’ai regardée. Etonnement. Sourire. Rire. Sourire crispé. Puis malaise, franc malaise.

Est-ce à cause de ces plans répétés et complaisants sur les FAMAS, lance-roquettes et canons de tanks, sur l’entraînement façon Full Metal Jacket, comme un regard d’adolescent fasciné par la violence ?

 

Est-ce à cause de l’envahissant fond sonore, de cette musique de synthétiseur assourdissante et grandiloquente, surplombée par la voix tonnante (avec écho !) de Sarkozy, façon conducator ?

 

Est-ce à cause du mélange des genres dont le ridicule confine à l’obscène, entre publicité pour l’armée, épisode de « Confessions intimes » sur les familles de militaires, documentaire façon TF1 sur l’entraînement des forces spéciales et – bien sûr – propagande pro-Sarkozy ?

 

Est-ce à cause de ces vrais visages de vrais militaires, et de leurs familles, de leurs enfants, volés pour une vidéo de campagne à la gloire d’un candidat ?

 

Est-ce à cause de la confusion idéologique portée par ce montage vidéo, du double message de la voix off (« vous n’avez pas reculé », « vous êtes allés au bout de vous-mêmes »), initialement adressé à des militaires français dans le cadre de discours officiels du président à la Nation, et ici détourné pour illustrer les éléments de langage UMP sur les « valeurs » et le « courage » ? A cause de cette conclusion selon laquelle « les militaires [doivent] avoir une place privilégiée dans notre société et dans nos coeurs », après deux minutes de condensé d’imagerie testostéronée (le titre : « une armée de héros »), où les femmes n’apparaissent que comme mères et épouses ?

 

Est-ce à cause de l’écart quelque peu sordide entre les promesses de l’équipe Sarkozy de ne pas instrumentaliser la mort de nos soldats, et ce brouet vidéo où les images de cercueils et de pancartes « merci Sarkozy » s’entrechoquent ? L’hommage promis à notre armée devenant un hommage à Sarkozy ?

 

Est-ce parce qu’il n’y a peut-être rien de pire que de tenter de s’accaparer la défense de l’armée et de la patrie, pour sous-entendre que les autres partis n’en ont rien à faire, voire constituent une forme d’anti-France ?

 

Est-ce pour toutes ces raisons à la fois ?

 

Il est décidément grand temps que cette campagne se termine.

 

Romain Pigenel

Le cri de Françoise Hardy : l’immobilier des stars survivra-t-il à Hollande ?

SAINT-TROPEZ. Propriétaires, rentiers, ou tout simplement riches, les artistes survivront-ils à l’instauration de la « taxe 75% » de François Hollande, ou devront-ils se débarrasser d’une partie de leur patrimoine immobilier ? C’est l’appel au secours lancé par François Hardy dans une interview à Paris Match. « Je crois que la plupart des gens ne se rendent pas compte du drame que l’ISF cause aux gens de ma catégorie. […] Si Hollande le multiplie par trois, qu’est-ce que je fais ? […] Tous les gens qui ont 150 000 euros de revenus […] et qui, en même temps, ont économisé toute leur vie pour avoir un patrimoine immobilier, résidence principale et résidence secondaire, se retrouvent dans cette situation épouvantable ».

« Drame », « épouvantable » : si les experts ont pour le moment du mal à s’accorder sur les effets envisageables d’une hausse de la taxation des hauts revenus, tous reconnaissent le danger d’une augmentation en flèche du mal-logement chez les artistes. « Ce qui est dommage, c’est qu’une des rares catégories sociales à avoir échappé au descenseur social risque désormais de s’y retrouver exposée. On peut envisager plusieurs types de déclassements : devoir louer une partie de son hôtel particulier ; le revendre pour investir dans un arrondissement parisien moins cher ; voire, dans les cas extrêmes, quitter Paris, pour se replier, faute de mieux, dans une résidence secondaire dans le Var ou en Corse », analyse Bernard-Marie Galouzeau de Vabres, directeur du Centre de Chrématistique Immobilière. Les risques sanitaires de ce type de dégradation de la vie quotidienne sont mal connus, et varient selon les personnes. « A la différence de vous ou moi, chaque artiste est un individu unique, avec une sensibilité à fleur de peau. », explique Stève Casiraghi, directeur de recherches au RIMEL (Rothschild Institute for Mental and Emotional iLlness). « Les symptômes peuvent aller de rougeurs passagères à des crises de sanglots, voire, dans des cas extrêmes, à des phases de désorientation. Où est passé mon bistro favori, pourquoi n’ai-je plus ma table réservée ? Tous ces petits privilèges qui rendaient leur quotidien supportable et qui, du jour au lendemain, disparaissent ».

 

Cet avènement d’une société plus « horizontale » risque surtout de rejaillir négativement sur la qualité de la scène artistique française. « On le sait depuis les premiers penseurs grecs, le peuple a besoin de savoir qu’il existe une petite « élite » échappant aux soucis du commun pour rêver, pour s’enthousiasmer par identification à elle », rappelle Fernando Von Furstenberg, chercheur à l’Institut Supérieur Téléologique de Budapest (IST Business School), et biographe d’Ivana Trump. « Savoir que Françoise Hardy vit dans une maison luxueuse à Paris, c’est un peu y vivre soi-même. D’où d’importantes économies d’échelle : la maison d’un ouvrier profite à ce seul ouvrier, tandis que la maison de François Hardy peut profiter à 1000, 10 000 ouvriers qui lisent Gala ou Paris Match par capillarité. C’est un enjeu de développement durable dans la société de parcimonie qui s’annonce. Acheter un disque de François Hardy, c’est contribuer à ce mode de vie qui rejaillit sur toute une population, c’est dans l’esprit des Français populaires une forme de don, un peu comme on en faisait aux dieux il y a quelques siècles. Si son standing se dégrade, ses ventes de disques risquent de chuter, et c’est vrai pour tous les artistes de son rang. Que va devenir la scène musicale française ? ».

 

L’acharnement fiscal contre les vedettes les conduit à mettre en place des stratégies de survie inédites. « On a vu se développer ces dernières années des formes de nomadisme, d’errance, de la part d’artistes chassés de leur propriété parisienne », rappelle Bernard-Marie Galouzeau de Vabres. « C’est un phénomène comparable aux bandes de jeunes, la violence en moins », indique-t-il, en évoquant le cas de Sheila ou Stone & Charden, et de leur tournée dite « des idoles ».

 

Restent la solidarité et le soutien réciproque. Selon nos informations, sur le modèle des Restos du Cœur s’apprêterait à être lancé un concept intitulé le « Salut des copains », avec des concerts caritatifs et la réalisation d’un album collectif, dont les bénéfices serviraient à abonder un fonds pour maintenir les célébrités dans leur demeure parisienne. Pour la première édition, une reprise chorale de « VIP » de Françoise Hardy serait déjà en cours d’enregistrement.

 

Reportage réalisé par Romain Pigenel pour l’Agence de Presse Variae

Alexandre Jardin s’inquiète pour Sarkozy, pardon, pour l’école

Un de ces jours, l’écrivain Alexandre Jardin s’est réveillé et s’est dit « tiens, et si je publiais dans Le Monde un point de vue sur l’éducation et la présidentielle ? ». Ni une ni deux, il prend sa plus belle plume et la trempe dans sa rage d’amoureux de l’école. « Je suis en colère : notre école méritait un débat franc que j’espère, depuis que j’ai engagé, il y a dix ans, mon énergie de citoyen dans des programmes associatifs qui dévorent mon temps, parfois mon argent, et toujours mon enthousiasme militant. ». Alexandre s’agace, écrit, décrit l’état épouvantable de notre système éducatif, décrochage scolaire, maîtrise insuffisante de la lecture et de l’écriture, chute au classement PISA, et dénonce …

(C) Nicoloro Giuseppe

François Hollande. Oui, vous avez bien lu, pas le président sortant, ni même la droite au pouvoir depuis 10 ans, mais le candidat socialiste, coupable de vouloir recréer 60 000 emplois dans l’Éducation Nationale. « Difficile de faire plus bête et électoraliste pour résoudre des problèmes complexes », s’époumone notre littérateur révolté.

 

A partir de là, il se passe quelque chose de prodigieux, le genre de hasard à peu près aussi probable que de tomber sur un trèfle à quatre feuilles en allant chercher son pain : Jardin, troisième du nom, se met à rédiger un texte qui, par une extraordinaire conjonction de circonstances, recoupe à la perfection les éléments de langage du candidat Sarkozy, et les arguments de l’UMP contre François Hollande. Les principaux responsables de la maladie de notre système éducatif ? « Nos élites – enseignantes, médiatiques, économiques et syndicales ». Tiens, c’est incroyable, on croirait entendre Nicolas Sarkozy sur la méprisance !

 

Mais la ressemblance, totalement fortuite, entre le propos élyséen et la juste colère jardinière ne s’arrête pas là. Il faut aider « les classes populaires », le « peuple » contre le « système » et les « conservatismes syndicaux ». Tout comme le candidat du peuple. Les 60 000 emplois supplémentaires ? Inutiles puisqu’il y a 5 ans, avant leur suppression par Sarkozy, l’école n’allait pas mieux ! Et puis Alexandre Jardin « n’accepte pas l’équation de M. Hollande : plus de profs mais sans augmentation de salaire, donc mal payés. Je préfère moins de profs mieux payés », comme l’UMP. François Hollande, au fait ? Un « conservateur sympa », tandis que voter Sarkozy, c’est voter « pour la réforme ».

 

Attention : Alexandre Jardin, avec sa « fibre sociale » et son « obsession de l’égalité des chances », n’est pas de droite, à l’instar d’un Claude Allègre ou d’un Bernard Tapie ; il mène même des « combats associatifs » avec ses « amis qui votent pour la plupart à gauche ». Mais bon voilà, incontestablement, il lui faut saluer la belle réussite de Nicolas Sarkozy, sa « réforme sur l’université ; une réussite sur laquelle nul ne songe à revenir, sinon à la marge ». C’est drôle cette identité de vue avec Valérie Pécresse, quand même ! Alors c’est vrai, en 5 ans Nicolas Sarkozy n’a pas eu le temps de réformer le collège (la faute aux syndicats, bien sûr), mais Alexandre Jardin en mettrait sa main au feu : il croit « cet homme énergique capable de faire pour le collège ce qu’il a eu le courage d’accomplir avec l’enseignement supérieur ». C’est vraiment formidable.

 

C’est dans la conclusion de cette tribune que la proximité intellectuelle totalement involontaire entre Jardin et le camp sarkozyste devient absolument stupéfiante. Dans une ultime inspiration, le poète conjure ses amis « de gauche » de regarder « de près le programme de Jean-Luc Mélenchon. Ce républicain franc du collier a une aptitude à faire bouger autre chose que des symboles. Mais ne votez pas pour le conservatisme du candidat socialiste, pas pour l’inertie ». Mélenchon infiniment plus respectable que Hollande : c’est beau comme du NKM.

 

Nous pouvons nous le dire entre nous, si une pareille tribune n’était pas publiée dans la rubrique « Idées » d’un journal sérieux comme Le Monde, si elle ne s’intitulait pas « Plus de profs, quelle idée sotte ! » mais « Pourquoi je soutiens Nicolas Sarkozy », nous nous dirions que nous avons affaire à un travail en service commandé, à la mise en forme approximative d’un argumentaire siglé « France Forte » transmis à l’intéressé par l’équipe du candidat-président, peut-être à l’occasion d’une rencontre avec Carla Bruni, auprès de laquelle l’auteur semble très en cour.  A une opération de campagne du style « tiens, Hollande est trop populaire sur l’école, alors on va le casser, avec une tribune d’écrivain populaire à notre main, sans couleur politique clairement affichée, histoire de faire croire qu’un lettré s’indigne sincèrement de ce que le socialiste propose, et s’enthousiasme au contraire pour nous, tout en étant quand même un peu critique ».

 

Personne, je l’espère, ne se mettra dans la tête une hypothèse aussi farfelue.

 

Romain Pigenel

 

Post-scriptum : à lire pour mieux comprendre le rôle d’Alexandre Jardin, ce billet de @antennerelais

Terrorisme, pédophilie et téléchargement illégal : pour Sarkozy, même combat !

Prenant exemple sur François Mitterrand, le candidat Sarkozy a pris sa plus belle plume pour rédiger une « lettre au peuple français », au momentson programme est enfin dévoilé. Ce texte d’une trentaine de pages, conçu pour « s’adresser à vous sans aucun intermédiaire », compile les concepts et les slogans des discours sarkozystes des derniers mois, avec une concession à l’actualité la plus récente : un long passage liminaire sur les meurtres de Toulouse et Montauban. L’occasion pour l’épistolier de l’Elysée de faire un plaidoyer pro domo sur l’insécurité, et de fustiger les socialistes, forcément responsables bien qu’éloignés du pouvoir national depuis … 10 ans.

Au beau milieu de cette argumentation, dans une section intitulée « Aucune idéologie de haine ne peut être tolérée dans notre pays », le candidat défend les mesures anti-terroristes qu’il a annoncées au lendemain de ces drames, et qui ont été très critiquées sur leur efficacité. Après Toulouse, il a notamment proposé un contrôle accru du web, accusé par lui d’être un facteur de montée du terrorisme : « Toute consultation régulière de sites faisant l’apologie du terrorisme ou du Jihad sera considérée comme un délit ». Il revient sur ce sujet dans sa lettre aux Français. « Nous devons être intraitables contre le fondamentalisme. Il faut combattre les manifestations criminelles de cette idéologie de haine […] à sa racine intellectuelle, dans les prisons, dans les prêches de certains prédicateurs extrémistes, ou encore sur les sites Internet. Faire l’apologie du terrorisme et de la violence sur Internet n’a rien à voir avec la liberté d’expression et de communication ». Jusque là, rien de neuf. C’est la suite du texte qui nous fait progressivement entrer dans la quatrième dimension. « La liberté d’Internet est précieuse, mais Internet n’est pas une zone de non-droit dans laquelle on peut impunément déverser des messages de haine, faire circuler des images pédophiles, piller le droit d’auteur. La société a le devoir de se protéger contre ceux qui attaquent ses valeurs. Rester inertes face à ceux qui se radicalisent dans la haine et la violence par la consultation de sites Internet illicites serait une faute morale. »

Lettre Aux Francais 2012

Oui, vous avez bien lu. Au plein cœur d’un développement sur le nécessaire combat contre le terrorisme et le fondamentalisme – développement qui continue après ce passage – Nicolas Sarkozy met sur le même plan, comme ça, en passant, la propagation du terrorisme, la diffusion d’images pédophiles et … la copie et le téléchargement illégaux. Trois attaques supposément équivalentes contre les « valeurs » de la « société ». On pourrait déjà être quelque peu consterné de la confusion entre terrorisme et pédophilie, entre une problématique politico-religieuse et une problématique médicale. Que dire de l’ajout à ce musée des horreurs sarkozien d’une problématique économique et surtout culturelle, liée pour le coup à une révolution technologique en cours de notre société ?

J’ai vérifié, Internet n’apparaît nulle part ailleurs dans cette Lettre aux Français. Quant à la « culture », elle n’est évoquée que pour dire qu’il faut défendre la culture occidentale contre ses ennemis. Nicolas Sarkozy, victime du bien connu syndrome « Internet tue » ? Plus simplement, l’auto-proclamé « candidat du peuple » assume radicalement la cohérence et la logique de sa posture de grand défenseur de la France de l’ordre, de la France conservatrice. Et pour la rassembler derrière lui, il a besoin de lui faire peur, à cette France. Il ne se fait plus d’illusions sur sa capacité à faire revenir à lui un électorat jeune, connecté, progressiste. Il se concentre, à l’instar de Bush en 2004, sur la constitution d’un bloc conservateur, crispé sur ses angoisses et son refus du monde qui change. Pour cela, et pour faire monter ce bloc à 50% des voix plus une, il tente le tout pour le tout, multipliant menaces et boucs émissaires. Une moitié de la France contre l’autre moitié de la France. Plus c’est gros, plus ça passe.

Il n’empêche. Ami internaute qui télécharge illégalement de la musique ou des films, aie cela en conscience au moment de mettre ton bulletin dans l’urne : pour Nicolas Sarkozy s’adressant aux Français, tu te situes entre un barbu poseur de bombes et un pervers qui traque les photos de petits enfants dénudés. A toi d’en tirer les conclusions qui s’imposent.

Romain Pigenel

L’anti-sarkozysme, un « phénomène d’élite parisienne » (Carla Bruni) : l’OPIF confirme

PARIS, FRANCE. Dans une interview accordée au Nouvel Observateur de cette semaine, Carla-Bruni Sarkozy insiste sur le caractère restreint du rejet de son époux dans la population française. « Sur le terrain, je ne ressens pas d’agressivité, les gens semblent aimer Nicolas. L’anti-sarkozysme est un phénomène d’élite parisienne ». Cette observation de la première dame, déjà vivement décriée et moquée par les internautes, est pourtant confirmée par la toute dernière étude menée conjointement par l’institut OPIF et la Commission Opérationnelle Nationale de Nano-Economie (CONNE).

Karl-Heinz Di Salvatore, directeur de recherche à l’École Pratique des Hautes Études Supérieures et coordinateur de l’enquête OPIF-CONNE, a compilé toutes les données chiffrées disponibles pour arriver à cette conclusion. « La cote de popularité de Nicolas Sarkozy oscille entre 30% et 40% ces derniers mois, tandis que sa cote de confiance évolue entre 20 et 30% ». Si on y ajoute les sondages de deuxième tour pour l’élection présidentielle, qui donnent systématiquement François Hollande gagnant par au moins 53% des voix, « cela permet d’estimer la proportion d’antisarkozystes en France à environ 60% », ce qui recoupe effectivement « l’élite parisienne ».

L’OPIF a en effet mené une « enquête qualitative de terrain » très poussée pour mieux définir ce que la première dame a intuitivement défini comme l’élite parisienne. « Carla Bruni-Sarkozy a assez finement repéré une population très répandue en France, et au style définitivement parisien, même si elle ne se limite pas à Paris », décrypte Boutros-Boutros Kosciusko-Morizet, analyste senior à la CONNE. « Elle se définit par un mode de vie et des valeurs communes : rejet du matérialisme, usage de plusieurs langues (arabe, wolof …), habitude prise de dépenser peu d’argent, dans une éthique que l’on pourrait qualifier de bobo ou de grunge ». Dans des zones très différentes, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine de la sidérurgie, banlieues « métissées », régions rurales, on repère ainsi les mêmes pratiques : « il est du dernier chic de faire mine de ne plus avoir d’argent pour boucler son mois, ou d’aller faire ses courses chez Lidl – quand ce n’est pas aux Restos du Cœur – par snobisme et dérision », commente sévèrement Karl-Heinz Di Salvatore. « Les jeunes, quant à eux, ont si peu le goût de l’effort qu’ils arrêtent tôt leurs études, et intègrent par exemple très rarement les grandes écoles, tant ils savent bien que papa-maman pourra assurer leur avenir ! ». Tout le contraire, en somme, des ghettos de l’ouest parisien où Carla Bruni-Sarkozy accompagne son mari sur le terrain, et où « l’intégration d’HEC ou d’une autre business school est souvent le seul moyen de s’en sortir pour une jeunesse courageuse, mais défavorisée ».

Autre chiffre remarquable, le taux de chômage, qui est « sensiblement plus élevé » au sein de ces 60% d’élites parisiennes anti-sarkozystes. Une donnée finalement assez intuitive, pour Boutros-Boutros Kosciusko-Morizet : « cette population compte un grand nombre de rentiers, qui n’éprouvent tout simplement plus le besoin de travailler », et font « à peine semblant » d’aller « pointer chez Pôle Emploi pour sauver les apparences ».

La situation socio-économique de ces élites nourrit logiquement leur ressentiment anti-sarkozyste : « Nicolas Sarkozy a le grand tort d’être l’homme qui a dit « le roi est nu », qui a dit à ces Français « je sais que vous ne vous levez pas si tôt que ça, que vous pourriez en faire plus ». Forcément, être mis face à ses mensonges génère du ressentiment contre celui qui dit la vérité. », remarque Karl-Heinz Di Salvatore.

Une polémique qui pourrait bien occuper largement les derniers jours de la campagne présidentielle.

Propos recueillis par Romain Pigenel pour l’agence de presse Variae

François Hollande, la stratégie du choc égalitaire

François Hollande a fait paraître la présentation de sa première année de présidence – s’il est élu – et c’est une très bonne chose pour la campagne présidentielle. Nombre de commentateurs et de citoyens se plaignent du niveau affligeant de cette dernière, et ce constat, que l’on ne peut pas totalement nier, tient beaucoup à la stratégie employée par Nicolas Sarkozy. Présentation la plus tardive possible de son propre programme ; refus de jeu avec une entrée en campagne volontairement peu précoce ; antijeu pur et simple (pour filer la métaphore sportive) avec une succession de coups politiques, de petites phrases, de meetings agressifs et de mesures (comme la pseudo-taxation des exilés fiscaux) sans cohérence, et s’expliquant seulement par les nécessités de la tactique anti-Hollande. Bref, une « opération réélection » où toutes les manœuvres sont permises pour empêcher un bilan public du sarkozysme, ainsi que la comparaison approfondie des différents projets en lice.

A la grande foire des mesures spectaculaires aussitôt présentées, aussitôt oubliées (bientôt trahies) et ne valant que par leur impact médiatique immédiat, l’exercice auquel se sont livrés François Hollande et son équipe a le mérite d’opposer la mise en perspective sur un temps court et donc concret. On remet les mains dans le cambouis, en reposant la seule question qui compte vraiment, celle du comment – celle qu’évitent à la fois les partisans du « on continue ce qu’on a commencé » (Nicolas Sarkozy) et ceux du « on vend du rêve, et après moi le déluge » (Jean-Luc Mélenchon).

 

En l’occurrence, le « comment » est suspendu à une situation plus que dégradée : défiance record de la population envers la classe politique (voir les taux d’abstention que l’on annonce, notamment au sein des classes populaires, pour l’élection) ; pays traversé par des tensions internes sociales qui sont le fruit direct du sarkozysme ; enfin et évidemment, le contexte économique international, avec l’épée de Damoclès (réelle ou fantasmée, mais l’effet est le même) de la faillite au-dessus de nos têtes. Une telle situation, probablement sans état de grâce pour les vainqueurs, ne laisse pas beaucoup de choix à un exécutif et à un parlement nouvellement élus. Il faut agir immédiatement, en parallèle sur tous les sujets, et de façon suffisamment concentrée pour faire bouger la France avant que les pesanteurs intérieures (intérêts corporatistes et privés divers et variés) et extérieures (l’Europe, l’économie mondiale) n’écrasent tout velléité de changement. Administrer un remède de cheval qui soit suffisamment fort pour faire dévier le pays de sa pente descendante, étonner positivement les Français, et refaire comprendre à l’échelle européenne et internationale que la France compte et qu’il faudra faire avec elle. Bref, se créer son propre état de grâce. Et montrer, raconter qu’il se passe quelques chose.

 

La « première année du changement » de François Hollande me semble répondre à ce réquisit car elle propose, tant sur le fond que sur la forme, ce que j’appellerai un choc égalitaire. Une poussée d’égalité dans la société française. Sur le plan des symboles et de la coupure entre gouvernants et gouvernés : baisse de la rémunération du président et des ministres (dès juin), réforme du statut pénal du chef de l’Etat (dans l’année). Sur le plan scolaire : augmentation immédiate de l’allocation de rentrée, recrutement de personnels d’encadrement pour les établissements à problèmes. Sur le plan des écarts de richesse : réduction de 1 à 20 des écarts salariaux dans le secteur public, blocage des prix de l’essence, réforme fiscale imposant plus les plus riches. Sur le plan du logement : l’Etat qui se porte caution pour les jeunes, l’encadrement des loyers. Sur le plan social : retour à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, création des100 000 premiers emplois aidés, et le fameux contrat de génération pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes et le maintien des seniors. Sur le plan de la République et des droits de l’Homme : abolition de la politique d’expulsion des étudiants étrangers, lutte contre les délits de faciès dans la police, mariage gay.

 

Cette seule « charrette » de mesures peut valoir doublement, à la fois par ses effets concrets et également par l’ambiance, le climat qu’elle va contribuer à installer dans le pays, en faisant souffler un courant d’optimisme. En remplaçant la peur et la résignation par un début d’espoir. Le « choc égalitaire » ouvre la voie au « choc de confiance » et donc à la possibilité, ensuite, de transformations plus ambitieuses du pays.

 

Romain Pigenel