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Christiane Taubira, l’insupportable transgression de Jean-Marc Ayrault

Je dois confesser, humblement, une certaine naïveté.

Quand j’ai appris la composition du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, j’y ai simplement vu la volonté de renouveler le personnel politique, de faire accéder aux « responsabilités », comme on dit, une nouvelle génération d’hommes et de femmes, pour leur ouvrir la possibilité de faire la preuve de leurs compétences au sommet de l’État.

Je n’ai pas pris la mesure, sur le coup, de la formidable audace, de la stupéfiante insolence que constituait le fait de promouvoir une ministre noire au poste de Garde des Sceaux.

Vous savez, les Noirs, ceux qui ont beau venir d’une contrée continentale, ils débarquent toujours un peu d’une île (et encore, estimons-nous heureux qu’ils aient eu la délicatesse de retirer leur os de leur nez avant de se présenter à notre cocotier).

Et puis ils n’aiment pas la France, donc pas son drapeau non plus. Et même quand on les hisse au sommet de la République, ils gardent une bienveillance coupable pour les autres indigènes qui brûlent les drapeaux. Enfin, ils ne le disent pas aussi brutalement, en tout cas on n’a pas de preuve qu’ils l’aient vraiment dit, mais on répète encore et encore sur le web qu’ils l’ont dit, parce que même s’ils n’ont rien dit, ils l’ont sans aucun doute pensé très très très fort. Et d’ailleurs Lionnel Luca, Eric Ciotti ou Roselyne Bachelot l’ont courageusement dénoncé, alors que les médias dominants, acquis à la cause noire, tentaient d’enterrer l’affaire. Évidemment !

 

Évidemment toujours, c’est encore pire quand vous prenez la femme noire. Eric Zemmour nous l’a doctement expliqué sur RTL : elle est compatissante pour ses jeunes congénères qui « volent, trafiquent, torturent, menacent, rackettent, violentent, tuent aussi, parfois » (que « parfois », on l’a échappé belle). Elle n’a qu’un groupe d’ennemis déclarés : « les hommes blancs », ceux qui ont le malheur de ne pas vivre dans les « banlieues » où « Hollande a obtenu des scores de dictateur africain » (africain, noir, logique).


Eric Zemmour : “Comme un petit parfum de mai… par rtl-fr

On comprend mieux, dans ces conditions, que le député Garaud ait eu « mal à la France » en voyant la composition du gouvernement !

 

Parfois, il arrive aussi, pour notre malheur, que la femme noire fasse une loi à son image, enfin presque, disons au moins à son nom. Comme nous l’explique doctement, cette fois, Riposte Laïque, c’est alors une loi « ségrégationniste […] tautologique, un peu comme le Coran » (le Noir n’habite jamais loin de chez l’Arabe, c’est bien connu).

Et malgré tout cela, en le sachant sans doute pertinemment, même (le Nantais est vicieux), Jean-Marc Ayrault a eu le toupet de mettre en place un spécimen de femme, incontestablement, noire, indubitablement, à la tête de notre justice. Et même qu’elle a des tresses afro sur sa tête à elle ! Non mais franchement ! Elle ne pouvait pas aller se faire défriser, par décence ? Par respect de nos concitoyens dont l’insécurité culturelle croit proportionnellement au taux de mélanine de leur interlocuteur? Et elle se pavane à la télévision, en plus !

Et dire qu’il y en avaient pour railler l’appétence du Président et du Premier ministre pour le consensus mou ! Monsieur Ayrault, la vérité a désormais éclaté au grand jour : vous êtes un dangereux provocateur.

Romain Pigenel

Parité aux législatives : la désarmante honnêteté de Jean-François Copé

Variae a bien assez souvent été sévère avec Jean-François Copé, il nous faut, quand celui-ci fait preuve d’une qualité patente, la reconnaître et la célébrer comme il se doit. Question de fairplay et d’équité. On peut souvent mettre au crédit du grand maître de l’UMP une certaine franchise, voire une capacité à réduire la langue de bois en menus copeaux (n’est-il pas celui qui rêvait de « massacrer à la tronçonneuse » François Hollande ?) ; il en a encore fait la preuve lundi matin, au micro de Jean-Jacques Bourdin.

Il n’était pas question ce jour, chez l’inquisiteur matinal de RMC, de sous-marins nucléaires ou de prix du ticket de métro, mais simplement de parité dans les désignations de candidats pour les législatives. Tous les partis se sont efforcés de la réaliser … sauf l’UMP, préférant payer des amendes. Et le patron du parti en question d’être soumis à la question sur ce raté assez voyant.

 

C’est là que l’on mesure toute la grandeur du satrape de Meaux. Depuis l’ère précolombienne, voire l’âge des cavernes, homo politicus a appris et s’est secrètement transmis de génération en génération un corpus de techniques ancestrales pour dissimuler la non-parité et ses soustraire aux critiques des médisants ; citons, en vrac, la parité virtuelle, consistant à mettre autant de femmes que d’hommes parmi les candidats, mais en réservant les territoires gagnables aux mâles ; la parité-potiche, avec des candidates qui se retirent, au dernier moment et sous quelque prétexte, au profit de leur très masculin suppléant à qui elles servaient de paravent ; ou encore la parité provisoire, avec une surconcentration de candidates sur des circonscriptions que l’on sait être destinées à des partis alliés, dans le cadre de négociations de dernière minute, et sans que ces alliés ne soient tenus d’y maintenir une femme comme représentant.

 

Il existe donc mille et une manière de finasser pour dissimuler le fait que l’on accorde à peu près autant d’importance à l’égale représentation des femmes et des hommes, qu’à celle des mormons et des Témoins de Jéhovah. Mais Jean-François Copé n’est pas fait de ce bois-là, oh que non. Et l’imperator de l’UMP post-sarkozyste de répondre crânement à Jean-Jacques Bourdin : « je vais vous dire, je plaide coupable avec regret mais c’est un arbitrage que nous avons eu à rendre et qui était difficile, dès lors que nous avions 317 députés sortants et qu’une bonne part d’entre eux se représentent et ont un ancrage très remarquable sur leur territoire, il était extrêmement difficile de les sacrifier. Voilà pourquoi j’ai pris avec mes amis de l’UMP cette décision qui nous coûtera en termes d’amende, et chacun doit comprendre que dans la période qui est la nôtre, il nous faut absolument avoir le maximum de députés et que cela passe par le poids, l’ancrage local de beaucoup d’entre-nous […] je suis moi un grand militant de la parité, j’ai été l’auteur d’une loi qui avec Marie-Jo Zimmermann prévoit qu’il y ait la parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises ».

 

Copé pourrait très bien dire qu’il n’a rien à faire de la parité, qu’il la laisse aux gonzesses. Mais non : il en est même un militant. Dans le monde normal, le militant d’une cause considère que celle-ci est un objectif, et qu’elle est donc contraignante par rapport à ses autres intérêts ; pas Monsieur Copé, qui se dit, si on résume, être pour la parité, mais uniquement si elle ne l’empêche pas de gagner. Curieux raisonnement que l’on s’amusera à tester sur d’autres sujets politiques : on pourrait par exemple se décrire comme un démocrate, mais considérer que la démocratie n’est acceptable que si elle accouche du résultat politique que l’on veut soi-même, et de nul autre. Dirait-on d’une telle personne qu’elle est une militante de la démocratie ?

 

Plus étonnant encore est l’argument de « l’ancrage très remarquable » des sortants testostéronés que l’on ne pourrait remplacer par des femmes. Que je sache, l’homme qui tient ces propos est à la tête de l’UMP depuis un an et demi, et appartient aux instances dirigeantes du même parti probablement depuis sa création ; que n’a-t-il utilisé ce pouvoir pour travailler, en amont, à faire émerger des candidates ayant tout le temps de se créer « un ancrage très remarquable » avant les fatidiques législatives ? Et si l’ancrage ne vient que par la pratique d’un mandat législatif, la reconduction d’un groupe de députés penchant du côté de Mars ne va-t-elle pas prolonger un cercle vicieux ? Étrange qu’un « militant de la parité » n’ait pas ces considérations en tête.

 

A moins que ces justifications ne cachent en fait qu’un profond désarroi, devant une situation politique dramatique, où l’étiquette UMP est si peu vendeuse que seuls des candidats archi-connus de leurs électeurs – se présentant comme à une élection municipale, en faisant oublier leur appartenance politique, et en misant tout sur la relation de proximité – peuvent espérer l’emporter ?

 

Voyons ! Si c’est ce que pensait Jean-François Copé, avec sa franchise proverbiale, il le dirait sans aucun doute très clairement.

 

Romain Pigenel

Droitosphère et anti-hollandisme vont-ils bientôt dominer le web ?

Dans un article du Monde au titre choc (« Sur le Web, l’antihollandisme succède à l’antisarkozysme »), Samuel Laurent ébauche un parallèle entre 2007 et 2012 : « sur Internet, “l’antihollandisme” démarre de manière fulgurante. Le terme n’est pas encore popularisé, mais il a une réalité tangible, en tous cas sur le Web. Depuis le 6 mai à 20 heures, une partie du Web politique français est entré en “résistance“, pour reprendre un terme souvent employé ». Et le journaliste de décrire une « montée en puissance » du phénomène, qui pourrait bien, comme l’avait été l’antisarkozysme pour la gauche, devenir « un atout décisif » pour la droite dans le combat politique qui s’annonce.

La thèse est provocante, et rejoint une interrogation qui parcourt depuis quelques semaines la « gauchosphère » : est-ce que sur le champ de bataille du web, comme l’écrivait récemment Christophe Ginisty, la force n’est pas structurellement du côté de l’opposition et de la critique contre le pouvoir en place ? La domination généralement admise de la gauchosphère n’est-elle pas d’abord due au fait que celle-ci a eu la chance, si l’on peut dire, de se construire durant la longue privation de pouvoir (sur le plan national) des partis politiques de gauche, rassemblant de fait tous les mécontents et les déçus de dix ans de droite au sommet de l’Etat ? L’arrivée d’un président et, probablement, d’une Assemblée Nationale de gauche ne vont-elle pas précipiter la chute ou l’affaiblissement du web de gauche, pris à contre-pied et à contre-emploi ?

Il faut d’abord relativiser l’émergence d’une « résistance » de droite. En vérité, les boules puantes et arguments qui circulent aujourd’hui, de même que leurs vecteurs (Jeunes Pop, UNI, blogosphère réactionnaire …) n’ont rien de nouveau et sont de vieilles connaissances de celles et ceux qui sont habitués aux bagarres du web politique. Tout cela correspond simplement au maintien de l’activité de la force militante en ligne de la nébuleuse UMP, celle qui existait déjà en 2007 et qui s’est logiquement renforcée à l’épreuve de la dernière campagne. Les photos détournées pointant du doigt le supposé communautarisme de Martine Aubry, les insultes contre le nouveau président (« couille molle ») font partie du bagage éprouvé d’une galaxie de blogueurs et de twittos qui, même au plus fort de la campagne présidentielle, n’ont malgré tout jamais pu rivaliser en nombre et en influence avec leurs « homologues » de gauche. Pourquoi auraient-ils rendu les armes au lendemain de la défaite ?

Reste l’hypothèse de fond : qu’à l’anti-sarkozysme « primaire », comme on dit à droite, succède un anti-hollandisme tout aussi violent et avec la même caractéristique – c’est-à-dire étant suffisamment fédérateur pour dépasser la seule sphère partisane, et faire pencher la majorité des internautes du côté du Hollande-bashing systématique. Avant mai 2012, un internaute pris au hasard avait d’assez bonnes chances d’être anti-sarkozyste. En sera-t-il de même contre Hollande dans quelques mois ?

Je ne le pense pas. L’anti-sarkozysme n’était pas et n’est pas simplement un réflexe frondeur pavlovien contre l’autorité en place. Ses caractéristiques particulières sont liées à la personne même de Nicolas Sarkozy, et à sa propension à enfiler comme des perles les symboles désastreux. En mai 2007, la France n’était pas anti-sarkozyste. L’anti-sarkozysme est né de la lente accumulation, puis macération, d’actes politiques et d’épisodes scabreux : nuit du Fouquet’s ; vacances sur le yacht Bolloré ; bouclier fiscal ; réception bras ouverts des dictateurs ; EPAD ; discours de Grenoble … Ce sont ces incidents à répétition, touchant aux fondements mêmes de l’identité républicaine (favoritisme outrancier envers les riches, népotisme, marginalisation des droits de l’Homme, xénophobie d’Etat …), qui ont progressivement imposé une légende noire du sarkozysme, dépassant le seul clivage gauche-droite. Pour les Français s’intéressant un minimum à l’actualité et à la politique, à ce clivage classique s’est substitué un autre clivage : tradition républicaine / pratique sarkozyste du pouvoir. Clivage nourrissant à son tour tous les excès que l’on a pu connaître dans l’anti-sarkozysme, les points Godwin se récoltant à la pelle.

Pour que François Hollande déchaîne la même hostilité, en intensité et en étendue, il faudrait qu’il multiplie les mêmes faux-pas. Le « président normal » ne semble pas en prendre la voie. Si tel est bien le cas, « l’anti-hollandisme » risque de ne rester qu’une expression recouvrant des débats politiques traditionnels (gauche – droite, social-démocratie – gauche radicale), sans commune mesure avec ce que Nicolas Sarkozy a permis et suscité en son temps.

Romain Pigenel

Heureusement pour Boutin et Morano, nous ne sommes plus en Sarkozie

POLITIQUE-FICTION. A une date située entre mai 2007 et mai 2012, Nicolas Sarkozy, encore Président de la République, est frappé par la foudre aux alentours de 18H00, alors qu’il est en route par la voie des airs pour Berlin. Deux députées de l’opposition de gauche se fendent des messages suivants sur Twitter :

 

 

Aussitôt, une implacable mécanique s’enclenche.

 

18H15 – Retombées Twitter

A peine envoyés sur le réseau social, les deux tweets sont abondamment relayés et commentés, et en premier lieu par des twittos de droite ulcérés. Les premières réactions officielles ne tardent pas :

@Eric_Besson Le sectarisme, toujours. En guise d’idées.

@nk_m Est-ce que @fhollande et @martineaubry approuvent ces dérapages ? #antisarkozysmeprimaire

 

18H45 – Communiqués de la majorité

Dans l’heure qui suit, le parti présidentiel dégaine un communiqué vengeur. « Alors que le Président de la République multiplie les déplacements et les efforts, au péril de sa santé, pour sauver l’économie mondiale et donc les emplois de nos travailleurs, l’opposition, sans idées ni projet, ironise sur un incident climatique qui aurait bien pu mettre fin à ses jours. Les Français ne sont pas dupes ! ». Déclaration solennelle bientôt suivie de celle du Nouveau Centre (« Les Français voient désormais clair dans le jeu de la gauche, qui n’a d’autre programme que le dénigrement de la personne du président »), de la droite populaire (« Les masques tombent : il y a le parti de la haine, et le parti de la France »), du Parti Radical (« Le débat démocratique a des limites, et elles ont été franchies ce jour. Les Français ne se laisseront pas abuser ») et du Parti Démocrate Chrétien (« L’antisarkozysme haineux, quel que soit les griefs que l’on peut avoir envers le Président de la République, n’est pas une option, et il faudra plus d’imagination pour tromper les Français »).

 

19H15 – Réaction de Jean-François Copé

Invité sur Europe 1, Jean-François Copé fulmine. « Imaginez-vous ce qu’on aurait entendu si de tels propos avaient été tenus sur Madame Aubry, ou Monsieur Hollande ? Il règne dans ce pays une incompréhensible bienveillance médiatique à l’égard de la gauche, dont le système espère la victoire contre les courageuses réformes de Nicolas Sarkozy ! »

 

23H – Arno Klarsfeld se lâche

Sur le plateau d’une émission politique de deuxième partie de soirée, Arno Klarsfeld, les yeux dans le vague, accuse. « C’est la gauche que l’on connaît, celle qui tue sans pitié dans des goulags ». Michel Godet, hors champ, hoche gravement la tête.

 

8H – Feu croisé dans les matinales

Benoît Hamon est l’invité de Jean-Michel Aphatie. « Benoît Hamon, approuvez-vous les propos de vos collègues sur Twitter ? ». Pendant ce temps, Manuel Valls est reçu par Patrick Cohen. « Manuel Valls, condamnez-vous les propos de vos camarades sur Twitter ? ». A l’inverse, Pierre Moscovici peut élever le débat grâce à Jean-Jacques Bourdin : « Pierre Moscovici, à combien de décharges de foudre est capable de résister un avion ? Répondez ! ».

 

10H – Le Figaro s’indigne

Tandis que la une du Figaro.fr s’emploie à rassurer les internautes sur l’état de santé du président et la modestie des avaries sur le Air Sarko One, les éditorialistes stars du quotidien méditent l’incident de la veille. Ivan Rioufol s’interroge sur son blog : quel danger représente pour la France « cette gauche bobo, qui se gondole sur Twitter tandis que l’islamisation progresse ? » ; Jean D’Ormesson, lui, publie un dialogue imaginaire avec François Mitterrand : « Président Mitterrand, que sont vos enfants devenus ? ».

 

11H – Carla Bruni face aux Françaises

Hasard, Carla Bruni reçoit justement ce jour des lectrices de Elle, pour une discussion à bâtons rompus, dans l’intimité d’une retransmission en direct sur Elle.fr. Quand une des ses invitées aborde l’incident de la veille, elle baisse pudiquement la voix : « J’ai souvent peur pour mon mari, quand je vois toute la haine de ses opposants ».

 

14H – A l’Assemblée Nationale

En salle des Quatre Colonnes, Christian Vanneste s’égosille : « mais qu’on leur mettre une baffe à ces greluches qui touitent ! ». En séance, Chantal Brunel pose une question d’actualité au Premier Ministre : « Comment peut-il continuer à gouverner sereinement dans le climat de haine et de sectarisme entretenu par une opposition sans idées ni projet autre que l’antisarkozysme primaire ? ». François Fillon répond sous les applaudissements de la majorité en standing ovation sur ses bancs : « les Français ne sont pas dupes ».

 

(…)

 

Retour à la réalité. Nous sommes le 15 mai 2012 et François Hollande est Président de la République. Heureusement pour Christine Boutin et Nadine Morano.

 

Romain Pigenel

Prière de rue un dimanche en plein Paris, mais que font la droite populaire et Le Pen ?

Dans l’indifférence générale des responsables et commentateurs politiques, un scandale s’est produit, dimanche 13 mai, en plein Paris. Une prière de rue – et encore, pas la version soft, light, statique, où des fidèles se déversent sur la chaussée en arguant d’un manque de lieux de prière, mais une véritable manifestation, avec chants religieux et slogans agressifs, sous les yeux ébahis des badauds profitant du soleil de mai.

Pire encore, bien loin d’un honnête imam de cave travaillant dans la clandestinité, les organisateurs de cette provocation contre la République laïque ont assumé clairement leur action, y convoquant les foules noir sur blanc sur leur site Internet : « nous défilerons à Paris le 13 mai à 14h30 en hommage à Sainte Jeanne d’Arc […] Venez prier Ste Jeanne d’Arc de sauver la France ». Et que dire de cette insoutenable mise en scène martiale, avec des cavaliers en armes défilant au côté des fidèles ?

Reconnaissons-le, ces intégristes-là sont d’habiles filous : pour se différencier de ceux qui déchaînèrent la polémique naguère, en priant sur le parvis des mosquées, ils ont troqué la barbe contre un crâne soigneusement rasé. Mais quand même, où sont ces belles et fortes voix, républicaines et laïques, qui avaient si bien su, il y a quelques mois, défendre la patrie en danger contre l’invasion des psalmodieurs de sourates ? Où est-elle Marine Le Pen qui comparait les prières de rue à « une forme d’occupation », avec un clin d’œil appuyé vers l’Occupation avec un grand O ? Où est-il le courageux Mariani, héraut de la droite populaire, qui se demandait « si c’est conforme à la laïcité, s’il ne faut pas une loi pour interdire » ces manifestations ? Pourquoi cette absence de Claude Guéant, l’homme qui posa clairement le problème – « Prier dans la rue n’est pas digne d’une pratique religieuse et contrevient au principe de laïcité » ?

Et comment expliquer que le site de Riposte Laïque soit vide de toute … riposte au sujet de cette procession religieuse agressive, la dernière entrée datant d’une semaine et se demandant : « La France est-elle foutue » (avec Hollande) ?

Peut-être faisaient-ils tous la sieste, profitant de ce dimanche printanier ? Peut-être vont-ils soudain se réveiller dans les prochaines heures, à la lecture de ce billet, et protester à retardement, mais protester quand même ?

Sinon, on finirait par se poser des questions ; et par se demander (comme @politeeks, ou moi-même il y a quelques temps sur Variae) quelle aurait été la réaction des mêmes croisés de la laïcité, UMP, droite populaire, FN, Riposte Laïque, si l’association organisatrice ne s’était pas réclamée du christianisme, mais de l’Islam ; si des figurants avaient défilé au trot, dans les rues de Paris, en armure de cavalier ottoman ou du Prophète ; et si leurs porte-paroles avaient parlé, en toute franchise, de s’organiser pour peser sur les prochaines élections municipales (ouh les vilains communautaristes !).

Je ne manquerai pas, bien entendu, de mettre à jour ce billet en cas de rattrapage de ce bien curieux oubli.

Romain Pigenel

Après Fillon, Guéant argumente en faveur du vote à gauche aux législatives

Jean-François Copé a beau se démener comme un beau diable pour préserver l’unité de l’UMP, et la mettre en un semblant d’ordre de bataille pour tenter un « troisième tour » et une victoire aux législatives, la tâche s’avère tout sauf simple. Dernier couac en date, un bien étrange soutien de la part de Claude Guéant, au vote UMP … mais d’abord à la nécessité d’une majorité pour le président de la République nouvellement élu.

On se souvient du plaidoyer de François Fillon en 2007, qui a ré-émergé cette semaine, expliquant avec emphase que sans majorité parlementaire, un président ne peut pas mettre en place le projet pour lequel ont voté les Français.

Samedi matin, Claude Guéant a poussé le bouchon un cran plus loin à l’antenne d’Europe1, tenant le même discours … mais bel et bien à propos de la situation actuelle. Qu’on en juge plutôt : au micro d’Emmanuel Faux, après une défense fidèle du bilan de Nicolas Sarkozy, il répond avec une franchise déconcertante à une question sur la cohabitation (à 23:05). « - Dans un mois les législatives […] Est-ce que vous êtes pour une cohabitation entre un président et un gouvernement de bords opposés ?De toute façon y a pas à être pour ou contre, c’est l’électeur qui décide … Institutionnellement, par principe, je pense que ce n’est pas l’esprit de la Vème République, qu’il y ait une cohabitation. L’esprit de la Vème République, c’est qu’il y ait une puissance d’action publique, et que par conséquent il y ait une cohérence, au sein de l’exécutif, entre le gouvernement, le président, et l’Assemblée Nationale ». C’est alors seulement qu’il déroule un rapide argumentaire en faveur du vote UMP : « Cela étant, je constate aussi que les propositions qu’a fait Monsieur Hollande étaient inquiétantes […] il est de notre devoir d’amener une majorité de droite à l’Assemblée […] Je plaide pour que nous gagnions les législatives. »

Grand moment de radio. Tranquillement, l’ancien Ministre de l’Intérieur nous explique que sur le plan des principes, il faut voter à gauche pour garantir « l’esprit » de la constitution, et que c’est par ce vote de cohérence qu’il y aura « une puissance d’action publique » ; ce qui laisse entendre a contrario que le vote à droite pour lequel il « plaide », « cela étant » (les mots sont importants), serait ni plus ni moins qu’une façon de rendre l’État impuissant ! Comment expliquer pareille sortie ?

Par le fait que Claude Guéant a commis une bévue, ne se rendant pas compte de ce qu’il disait ? Ce serait faire injure à l’homme d’habileté et d’intelligence que l’on connaît bien.

Par le fait que Claude Guéant est un homme de principes, et que grand serviteur de l’État, il est moralement contraint à dire la vérité constitutionnelle par-delà les intérêts de sa propre famille politique ? On aurait aimé voir pareille rigueur éthique fonctionner chez lui quand il se faisait homme des basses œuvres droitières de Nicolas Sarkozy.

Par le fait que les intérêts de Claude Guéant, ou représentés par Claude Guéant, ne vont pas de paire avec une victoire législative de la droite, qui couronnerait un nouveau chef à l’UMP, et potentiellement un nouveau candidat « naturel » à l’élection présidentielle ?

Écoutons bien, un peu plus tôt dans la même émission, ce qu’il dit de la retraite politique de Nicolas Sarkozy (à 17:30) : « Je crois qu’il va quitter la politique active, il n’est pas question pour lui de prendre la tête de la campagne des législatives […] de briguer le mandat de président de l’UMP qu’il a exercé dans le passé. Je pense, il l’a dit, qu’il continuera à exercer une sorte de magistère moral, qu’il sera à disposition pour prodiguer des conseils, donner de temps en temps son sentiment sur les orientations de la France […] mais il ne va plus briguer un mandat de député ou de maire […] il sera un référent, il continuera à être pour les sympathisants de l’UMP et de la droite en général une voix qui porte, mais il n’aura plus de rôle engagé ».

Est-ce un hasard si la possibilité de briguer un mandat de président n’est jamais évoquée, pour être démentie, par le fidèle Guéant ?

Souhaitons bien du courage à la troïka Copé, Juppé, Fillon, qui se pensent sans doute débarrassés de leur ancien chef. Et en attendant les prochaines péripéties de la guerre de succession à droite, suivons le conseil de Claude Guéant : pour une « puissance d’action publique », votons pour une majorité présidentielle hollandiste les 10 et 17 juin prochains !

Romain Pigenel

Législatives : jeux et enjeux de la candidature Bayrou

En UMPie, la vengeance est un plat qui se mange chaud. A peine le soutien (à titre personnel) de François Bayrou à François Hollande connu, l’UMP a annoncé sa sanction : la présentation d’une candidature, aux élections législatives, contre le Béarnais, pour compliquer sa réélection en lui enlevant le maximum de voix de droite dès le premier tour. Vengeance, mais aussi préparation de la recomposition du paysage politique post-Sarkozy : décapiter le centre incontrôlable qu’a été le MoDem ne serait pas inutile pour reconstruire l’hégémonie de l’UMP et de ses satellites.

Immédiatement, la balle a été renvoyée dans le camp d’en face. Comment traiter le cas Bayrou ? Il est complexe : le candidat centriste défend la rigueur dans laquelle François Hollande refuse de voir l’alpha et l’oméga de la politique économique ; et s’il a soutenu à titre personnel le vote Hollande à trois jours du second tour, il a laissé la liberté de choix à son parti, et bien précisé qu’il n’y avait pas de préalable ou de marchandage à sa prise de position. Aux socialistes et à leurs alliés de décider de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide : concrètement, décider par courtoisie et reconnaissance de ne pas entraver plus encore la réélection du député centriste en ne présentant pas de candidat face à lui, sans en tirer de conséquences politiques plus larges ; ou au contraire, en s’appuyant sur les divergences programmatiques et les conditions de son soutien d’entre-deux-tours, maintenir un candidat face à lui. Un dilemme qui prend aussi la couleur d’un choix entre pragmatisme du gentleman agreement, et principes idéologiques.

 

Et si une décision a finalement été prise mercredi par la direction du PS – maintien de la candidate socialiste initialement investie, Nathalie Chabanne, en tout cas au premier tour – les prises de position publiques des uns et des autres sont fort instructives. Certains dirigeants socialistes – Pierre Moscovici, Vincent Peillon, Ségolène Royal – ont publiquement défendu un geste envers François Bayrou (Rappelons-le, les deux derniers ont soutenu, lors du dernier congrès du PS, la ligne de la coalition arc-en-ciel, favorable à une ouverture en direction des démocrates, à condition que la gauche soit préalablement rassemblée). Martine Aubry, qui a tranché dans le sens inverse, est elle arrivée à la tête du PS sur un positionnement de refus de tout accord – au plan national – avec les centristes. Les positions actuelles des uns et des autres recoupent donc des débats plus anciens au sein du socialisme français. Mais ils s’expliquent aussi par le nouvel élément dans l’équation politique nationale : le Front de Gauche.

 

Le Parti de Gauche a sans doute été parmi les premiers à réagir au cas Bayrou, par un communiqué sous forme de mise en garde : tout « geste » du PS visant « à soutenir la candidature de François Bayrou » serait « une mauvaise indication en ce tout début de quinquennat pour tous ceux qui rejettent les alliances avec le centre ». Traduction en langage ordinaire ? Toute la rhétorique mélenchonienne consiste à postuler l’existence de « deux gauches », l’authentique incarnée par le Parti de Gauche et ses alliés du Front du même nom, et la social-libérale que serait le PS. S’appuyant sur l’exemple de la Grèce ou de l’Amérique du Sud, il prophétise que le destin de cette « fausse » gauche est d’inexorablement se droitiser, et de s’allier avec le centre pour mener une politique de renoncement et d’accompagnement des pouvoirs financiers et économiques. La démonstration est pourtant compliquée à faire, avec un Parti socialiste français dont la spécificité est d’avoir toujours su concilier une aile gauche et une aile plus modérée en son sein, de Gérard Filoche à Michel Destot. Or le Parti de gauche n’a pas de raison d’être si cette analyse sur les deux gauches ne se vérifie pas. Dès lors, tout le jeu que l’on peut prévoir pour lui, durant le quinquennat qui s’annonce, va être de guetter et de mettre en avant chaque signe permettant d’étayer la théorie de la gauche de renoncement. Et quel plus beau signe, quel signe plus symbolique, qu’un « soutien » du PS, fût-il exceptionnel, à « l’homme de droite », comme dirait Mélenchon, qu’est Bayrou ?

 

La volonté d’éviter ce piège – le premier d’une longue série ? – a probablement pesé lourd dans la décision qui est pour le moment celle du Parti socialiste.

 

Romain Pigenel

« Ensemble, choisissons la France » – Copé droitise (encore) l’UMP

Penser la politique en fonction des slogans peut paraître une démarche réductrice. Mais après tout, un slogan est par définition ce qui surnage des projets et des textes programmatiques dans lesquels on se plonge rarement avec exhaustivité ; c’est ce qui est donné aux électeurs, comme un contrat et une clé de lecture pour les propositions en présence. Jean-François Copé vient de dévoiler celui qui a été adopté par l’UMP orpheline de Sarkozy pour les prochaines élections législatives : « Ensemble, choisissons la France ». Que nous dit-il de la principale force à droite ?

Commençons par un rapide retour en arrière. Au cours des derniers mois, l’UMP et Nicolas Sarkozy ont produit un certain nombre de mots d’ordre : il y eut d’abord, à l’automne, le « parti qui veut éclairer le chemin », antienne quasi mystique que j’analysais alors comme un aveu implicite d’impuissance ; puis en début d’année, au moment de la présentation du projet UMP, « Protéger et préparer l’avenir des enfants de France » ; puis encore le cri de guerre du président-candidat, « la France forte » ; et aujourd’hui donc, ce choix de la France qui devrait être fait ensemble.

Le lecteur pardonnera d’éventuels oublis de ma part. Mais le « chemin » ici tracé est déjà révélateur. Les deux premiers slogans, non directement liés à Sarkozy, visent l’avenir et emploient des termes sans connotation négative, voire rassurants : on parle « d’éclairer », de « protéger », on évoque les « enfants ». Les deux derniers se recentrent sur la France : pas la République, mais la France, « forte » ou tout court. L’idée d’une « France forte » est encore polysémique et peut faire référence à l’objectif de protection qu’affichait le titre du projet UMP en début d’année. Mais toute ambiguïté disparaît avec le « choisissons la France » qui ornera les affiches des candidats aux législatives.

 

A en croire l’AFP, c’est d’abord « choisissons la France » qui a été retenu, avant que le « ensemble » ne lui soit ajouté dans la version définitive. L’ajout est à la fois révélateur et vain : cet « ensemble » fait partie des termes vides de sens que l’on ajoute, en langage politique, aux slogans ou noms de clubs pour la forme, et qui n’engagent en rien. Il vise ici probablement à adoucir ce « choix de la France », qui est, au bout du compte laissé intact. Le sens aurait été tout autre si on avait parlé d’une « France rassemblée ». Mais les ténors de l’UMP savent très bien ce qu’ils font en sélectionnant au contraire le choix, « ensemble », de la « France » sans plus de précision.

 

La France forte disait au moins quelque chose de la vision de la France du candidat sortant (aussi vague que soit cette indication) et faisait donc porter le débat sur la conception du pays. Le mot d’ordre de Copé marque à la fois un appauvrissement et une radicalisation : non seulement il ne dit rien de la France que veut l’UMP, mais il accuse directement celles et ceux qui ne voteront pas UMP de ne pas opter pour la France. A la France forte s’opposait la France faible de Hollande ; à la France s’oppose … on ne sait au juste quoi : les traîtres à la patrie, les porteurs de drapeaux maghrébins à la Bastille, l’étranger en général ?

 

La manœuvre est brutale, grossière, et est la marque indubitable d’un parti aux abois. Car ce slogan ne s’adresse sans doute pas tant aux plus de 50% d’électeurs qui, avec Hollande, auraient fait le choix de la non-France (l’anti-France?) qu’à cette douloureuse épine dans la pied de l’ex-majorité qu’est le Front National. Frôlant les 20% au premier tour, le parti de Marine Le Pen fait peser sur l’UMP l’ombre menaçante des triangulaires en cascade, ainsi que celle des accords locaux en ordre dispersé entre droite et extrême-droite. Et dans le débat consistant à savoir si la stratégie Buisson a fait monter le FN, ou a au contraire permis de l’endiguer, Copé et les siens ont visiblement nettement tranché pour la deuxième option. Sauver l’UMP, en faisant rentrer les électeurs FN au bercail de la droite traditionnelle, avant de penser à un retour aux responsabilités ? Un bien long et tortueux chemin à « éclairer ».

 

Romain Pigenel

Au secours, la gauche va avoir « tous les pouvoirs » !

Le dernier résistant à l’hydre rose – Nicolas Sarkozy – étant tombé, une terrible menace pèse sur la France : l’accaparement par les socialistes de tous les pouvoirs. A peine la défaite du président sortant entérinée, les ténors de l’UMP se sont succédés dans les médias pour dénoncer ce danger : « Aujourd’hui tous les pouvoirs peuvent être aux mains des socialistes, la présidence de la République, une majorité des régions, des départements, des grandes villes », constate ainsi NKM rappelant que la France est un « pays d’équilibre », tandis que Xavier Bertrand appelle pour sa part à un « vote d’équilibre » et que Jean-François Copé demande d’« empêcher que la gauche ait tous les pouvoirs ».

 

L’argument est subtil et dénote d’un sens aigu de la démocratie et du juste fonctionnement de la République que l’on ne soupçonnait pas forcément dans le parti de Nicolas Sarkozy : en vertu d’un loi non écrite, mais aussi moralement contraignante qu’un grand commandement biblique, il ne serait pas bon que les électeurs, peut-être par manque d’attention, ou peut-être bernés par le fait que toutes les élections n’ont pas lieu en même temps, en viennent à choisir à tous les niveaux du pays les représentants de la même famille politique. Et ils devraient, au moment de faire basculer le dernier domino en faveur de cette famille, contribuer à un sursaut, et voter en sens inverse de leur choix d’un mois avant.

 

C’est étrange : alors qu’à entendre Copé et autres NKM la présence d’un parti à toutes les strates du pouvoir est un danger bien réel, l’idée ne leur est pas venue, alors qu’ils avaient tous les leviers utiles (Parlement, présidence) pour le faire, de réformer la constitution pour interdire ce cas de figure. On aurait pu imaginer, par exemple, de mettre en place un principe de responsabilité tournante, qui par ailleurs épargnerait bien des maux de têtes et des dilemmes cornéliens aux électeurs : quand un parti gagne un scrutin qui le met en position d’avoir « tous les pouvoirs », alors il ne participe pas au scrutin suivant, ou il appelle ses électeurs à voter pour le camp adverse. Plus étonnant encore, j’ai beau faire un prodigieux effort de mémoire, je ne me souviens pas que l’UMP, en 2010, contrôlant Sénat et Elysée, et ayant remporté coup sur coup les élections législatives et européennes, ait sportivement décidé de ne pas concourir aux régionales, pour le bien de « l’équilibre du pays », ou ait appelé les Français à un vote d’équilibre.

 

Sauf à considérer, peut-être, que seule la concentration de tous les pouvoirs entre les mains de la gauche est dangereuse pour la France, parce que la gauche n’aurait pas la légitimité (comme dirait la députée-maire d’Aix-en-Provence) naturelle de la droite pour prétendre à cela, et parce qu’elle ne saurait parvenir aux responsabilités, comme l’a dit le bon Baroin, que « par effraction » ?

 

Je laisserai le mot de la fin à un honnête homme que l’on ne peut soupçonner de compromission ou de tendresse à l’égard de François Hollande et du socialisme : « sans majorité [à l'Assemblée Nationale], le Président de la République ne peut pas mettre en œuvre le projet que vous avez choisi à l’élection présidentielle. Alors je vous le demande, mes chers compatriotes : donnez au Président de la République une majorité, et nous pourrons ensemble rénover notre pays, préparer l’avenir des générations futures ». François, nous te disons merci de la part de François.

Romain Pigenel

Nadine Morano, Louis Alliot, ouvrez une boutique de drapeaux !

Tout le monde s’était persuadé qu’il n’y aurait pas d’état de grâce pour le nouveau président. Non seulement cette prévision s’est vérifiée, mais il n’y a pas eu, non plus, de trêve politique : à peine la poussière du vote de dimanche retombée, la nouvelle opposition, UMP et FN, est passée à l’attaque, se saisissant de ce qu’il faudrait peut-être appeler le « drapeaugate » tant cet incident déchaîne des commentaires au-delà de toute mesure.

 

Il y aurait eu, pour fêter la victoire de François Hollande à la Bastille, trop de « drapeaux rouges » (ce nouveau croquemitaine du bestiaire UMPiste depuis la Fête du Vrai Travail), trop de drapeaux étrangers (Algérie, Palestine … étrangement, les drapeaux grecs ou italiens ne sont pas mis en cause), et pas assez de drapeaux français. Critique reprise en chœur par le gang des –o (Morano, Alliot, Philippot) qui n’hésitent pas à extrapoler pleins gaz pour y voir la preuve de la « communautarisation » en marche, ou un premier stigmate (Cause ? Conséquence ? Morano n’a pas les idées très claires)  du « vote des étrangers » que va mettre en place François Hollande. Et plusieurs contributeurs de Causeur de faire sonner leurs clairons un peu usés sur l’horreur de la « fausse-gauche-bobo-multiculturaliste », tandis que Marianne s’interroge plus finement sur les « cicatrices » que pourraient révéler ces étendards. Bientôt n’en doutons pas, Alain Finkielkraut, Alain Badiou ou Michel Wieviorka y iront également de leur tribune exégétique.

Soyons honnêtes : les images de France 2, en plan fixe sur la colonne de la Bastille où s’agitent les dits drapeaux, étaient marquantes. J’ai pressenti la polémique au moment même où je les ai vues. La force des images était démultipliée par l’intensité de l’instant, cérémonial républicain appelant plutôt le bleu-blanc-rouge. Tout cela prête évidemment à la surinterprétation symbolique. Dégonflons la baudruche remplie à l’air droitier.

Premièrement, il faut vraiment ne pas souvent se mêler aux grands événements populaires pour être choqué par cette vision. A chaque manifestation, ces drapeaux (et de bien plus rouges encore !) ornent désormais la colonne de la Bastille. Le peuple de gauche étant au rendez-vous dimanche soir, les mêmes militants qui saluent d’habitude de cette manière les cortèges passant à la Bastille ont prolongé leur coutume. Par ailleurs, les drapeaux de pays du Maghreb fleurissent de même lors des grandes rencontres sportives, par exemple. Suffisent-ils à pointer des mauvais Français ou des Français mal intégrés ? J’ai du mal à croire que des individus ne se sentant pas français auraient fait le déplacement pour fêter la plus grande élection républicaine. J’espère en outre que la droite tiendrait les mêmes propos sur des drapeaux, au hasard, bretons. A votre avis ?

Deuxièmement, sur l’absence de drapeaux bleu-blanc-rouge. Chers lecteurs, en avez-vous un chez vous ? Moi pas, et c’est après rapide enquête une caractéristique étonnamment répandue dans la population – sauf peut-être aux alentours d’une finale de coupe d’Europe ou du monde. Les militants, socialistes ou du Parti de gauche dimanche, sont équipés de matériel à l’effigie de leur parti, et c’est bien le moins pour des militants. Mais des Français non encartés n’ont pas de raison particulière d’avoir ce genre d’outil chez eux. Si les drapeaux incriminés avaient été noyés dans une foule de drapeaux bleu-blanc-rouge, la polémique n’aurait pas même commencé. En l’occurrence et si l’on cherche vraiment des coupables, ce sont plus les badauds venus les mains libres qui seraient à blâmer, que les malheureux ayant commis l’outrage impardonnable de brandir qui l’effigie de la rose, qui un croissant d’outre-Méditerranée.

Il est dommage que Nicolas Sarkozy n’ait pas eu l’idée de faire passer une loi imposant à chaque citoyen, outre la possession d’un kit de sécurité routière et d’un alcootest, celle du drapeau national pour l’emporter à chaque grand rassemblement populaire. En attendant que cette lumineuse idée trouve le chemin du cerveau de François Hollande, je n’ai qu’un conseil à donner aux Morano, Alliot et autres Philippot : à la prochaine fête de ce genre, investissez dans une baraque de forain, un stock de drapeaux et installez-vous à proximité des festivités : vous deviendrez riches, et sauverez l’honneur national.

Romain Pigenel